LA LANGUE MORTE D’UN PAYS MORT (Éric de Verdelhan)

« Tout ce qui dégrade la culture raccourcit les chemins qui mènent à la servitude ».

(Albert Camus).


Comme tout le monde je suppose, je suis inondé, gavé, submergé, d’informations diverses et variées sorties de forums, sites et blogs qui se sont multipliés depuis l’invasion d’internet. La plupart des ces notifications n’ont pas le moindre intérêt (quand ce ne sont pas des « fake news ») mais elles permettent à des abrutis narcissiques, à des pétasses maniérées et vulgaires, de se théâtraliser, de minauder ou d’exhiber leur tête de crétins satisfaits devant leur Smartphone pour nous énoncer des fadaises et des lieux communs dans un français très approximatif.

Cette manie – ô combien crispante ! – s’est répandue comme une trainée de poudre depuis quelques années. Je reçois une vingtaine de ces vidéos par jour, malgré mes demandes pressantes auprès de mes amis d’arrêter de m’en envoyer en rafale. Ces fichiers lourds bloquent régulièrement ma boite mails et me font perdre un temps précieux.

J’apprécie, en revanche, les gens qui commentent l’actualité avec talent… et humour. Je me délecte, par exemple, des vidéos journalières de Pierre Cassen. Il arrive à me faire rire en abordant des sujets sérieux. J’ai écrit plus de 350 articles pour « Riposte Laïque ». J’aime beaucoup ce site très attaché à la pluralité d’opinions et à la liberté d’expression, bien que républicain et laïcard. Je peux y exprimer mon attachement au Trône et à l’Autel, ou ma tiédeur – doux euphémisme ! – envers la « démo-crassie »  parlementaire et/ou la « Ripoux-blique » maçonnique.

Je ne supporte pas les vidéos stupides ; je leur préfère l’écrit. C’est, entre autres, pour ça que je suis chroniqueur de « Minurne Résistance » de mon ami Marc Le Stalher. Les gens qui s’expriment sur ce site sont des patriotes, des souverainistes, des conservateurs. Ils appartiennent tous à une droite qui n’a pas peur de se dire de droite. L’humour y est souvent au rendez-vous. Je pense, par exemple, aux excellents articles de mon ami Xavier Jésu.  

Je lis beaucoup, disais-je et ce, depuis toujours, mais là encore tout se délite très vite.

On tue notre langue au profit du dialecte « d’homme de couleur de petite taille » (1) ; on voudrait nous imposer le langage des banlieues, le « franglais »  ou l’écriture inclusive. On veut faire disparaître l’orthographe, les majuscules, la ponctuation. Le phénomène n’est certes pas nouveau mais il s’aggrave de jour en jour avec la bénédiction de Macron, qui a pourtant appris le français ET le théâtre avec celle qui l’a déniaisé et qui est devenue sa femme. La langue française se meurt, elle est en phase terminale, et en passe de devenir une langue morte… morte comme notre civilisation.

J’ai découvert l’ampleur de la catastrophe il y a un quart de siècle, en faisant sur le tard un troisième cycle à l’ENAss (2). Chaque année, « le Point » établit un classement des meilleures écoles de commerce de France. L’ENAss, pourtant peu connue du grand public, figure dans ce palmarès au milieu d’autres grands noms comme HEC, l’ESSEC, ou l’ESCP. Elle a une réputation d’excellence, à mon humble avis, un peu surfaite voire carrément usurpée.

C’est toujours avec nostalgie que je parle de l’ENAss, et je ne manque jamais une occasion de raconter que les élèves de l’École Nationale d’Administration, l’ENA, cette fabrique de crânes d’œuf, ont jadis exigé que les deux « s » d’assurance soient ajoutés aux initiales de l’école pour que nous ne soyons pas confondus avec eux. Je les en remercie vivement car il me déplairait qu’on me prenne pour un énarque ; pour moi, ça friserait l’injure ou l’insulte !

L’ENAss intègre des étudiants titulaires d’une licence (ou d’une « prépa »), des BAC+3. Or, j’ai découvert avec stupeur la pauvreté de vocabulaire, l’absence d’orthographe (et de culture générale) de la majorité de mes condisciples, à quelques exceptions près bien sûr. J’ai gardé les contacts avec quelques-uns. L’un d’eux, en théorie titulaire d’un BAC + 5, m’envoie régulièrement des mails écrits dans un pathos filandreux, digne d’un (mauvais) élève de CM2, et remplis de fautes d’orthographe grossières (3) ; en gros une faute par ligne. Mais ce qui me frappe surtout c’est son incapacité à exprimer en quelques lignes une idée claire.

Peut-on lui reprocher ? Non, ce garçon est victime d’un système miné, gangréné, vérolé  par le gauchisme sous toutes ses formes, de l’extrême-gauche à la « gauche-caviar ».

L’honnêteté m’oblige à dire que la « droite-cachemire » et les centristes mous ont été leurs complices complaisants. Ils sont TOUS coupables ! L’idéologie socialisante, qu’elle soit larvée, comme sous Giscard, ou revendiquée et assumée, comme sous Mitterrand, aura fait des ravages.

Depuis 50 ans, notre système éducatif – dit improprement « Éducation Nationale » – va de mal en pis. Il  est devenu une machine à fabriquer des illettrés, des crétins ou des cancres.

Certes il y a encore de nombreuses exceptions – des formations, des collèges, des lycées, des grandes écoles, des filières d’excellence – mais elles demeurent marginales au regard du monstre, du « Mammouth » que dénonçait déjà  Claude Allègre en 1997. Sa lente agonie a commencé après mai 68 et je crains que nous n’arrivions jamais à revenir à un niveau correct car les gouvernements – droite et gauche confondues – qui se sont succédés depuis, sont dans le déni total, veulent coller aux modes et surtout, ils ne veulent pas braquer les puissants syndicats d’enseignants (de gauche, mais c’est presque un pléonasme !). Le petit monde des pédagogues gauchisants impose ses vues.

Les expériences pédagogiques loufoques, le découragement des vraies vocations et la valse des ministres ont contribué à ce que les classements internationaux nous placent dans une honnête médiocrité, dans le ventre très mou des pays dits civilisés : entre la 30ème  et la 50ème  place, selon la matière. Les premières victimes auront été les lettres et l’histoire. Puis nous avons abandonné les maths et les matières scientifiques. De ce fait, les vocations se raréfient ; on peut le comprendre ! 

Comme les candidats-profs se font de plus en plus rares, on utilise le même processus que pour l’enseignement : le nivellement par le bas. On occulte les exigences à l’embauche d’enseignants et on demande à Pôle Emploi de recruter… n’importe qui, pour faire nombre.

La discipline n’existe plus, les élèves font en gros ce qu’ils veulent et, depuis l’affaire Samuel Paty, nous savons que la sécurité des enseignants n’est plus assurée. Leur hiérarchie se contente de leur demander d’adopter un profil bas et de ne pas parler de ce qui fâche. La mafia enseignante pratique l’« omerta », comme la  Cosa Nostra sicilienne ou la Camorra napolitaine.

Nos facultés sont devenues des outils de propagande pour le wokisme, le décolonialisme, la théorie du genre, etc… Les syndicats d’étudiants se chargent de mettre au pilori les professeurs jugés « politiquement incorrects » et les instances administratives préfèrent fermer les yeux.

N’allez pas croire que je noircis le trait, même si, je le répète, il y a des exceptions, mais il faut bien juger l’arbre à ses fruits et, en l’occurrence, ses fruits sont… des fruits secs.

L’école n’enseigne plus les bases, les fondamentaux, mais, comme si cela ne suffisait pas, on surcharge les programmes de sujets qui devraient relever de la sphère familiale, laquelle est souvent démissionnaire. Au lieu d’apprendre à lire, écrire, compter, on formate et on intoxique l’élève avec la propagande LGBT+++, le racisme, l’antisémitisme, l’écologie, etc…

On a supprimé le Certificat d’Etudes Primaires, on retarde l’âge d’entrée en apprentissage, le BEPC est devenu une formalité et, on donne – c’est le mot qui convient – le BAC à plus de 95% des postulants. Cette année, je me suis amusé à lire quelques corrigés du BEPC et du BAC ; mais est-ce amusant ? Non, c’est déplorable, consternant, affligeant, lamentable !

J’ai appris qu’au BAC de philo, le 18 juin dernier, de nombreux postulants ne faisaient pas la différence entre Simone Veil, l’avorteuse panthéonisée, et Simone Weil, la philosophe catholique.    

Autrefois, une simple licence était gage d’un bon niveau. Depuis le classement « L.M.D »(4) imposé par l’Europe, on a multiplié les « Masters » dans tous les domaines, y compris ceux qui ne servent  strictement à rien et qui ne débouchent que sur Pôle Emploi.

Mais les « socio-pédagogues » modernes vous diront tous que la note ou le simple contrôle des connaissances sont discriminatoires et reproducteurs d’injustices systémiques : ce qui importe avant tout c’est que Rachid et Mamadou, qui arrivent en secondaire sans manier les rudiments de la langue française, aient les mêmes résultats que Pierre ou Paul. On appelle ça la non-discrimination ou l’égalité des chances alors qu’il s’agit en réalité d’une honteuse « discrimination positive ».

Notons, au passage, que la « diversité » issue de l’immigration asiatique caracole souvent en tête de classe et réussit généralement bien son intégration. C’est un simple constat !

Je me souviens d’une émission de télé durant laquelle Jean-Marie Le Pen avait déclaré, pour amuser son auditoire, que le budget de l’Education Nationale était équivalent à celui de la « Général-Motors » et que ses effectifs étaient comparables à ceux de l’ex-Armée Rouge. En fait, le premier budget de l’État est très mal géré et totalement inefficace. Le « Mammouth » fait un peu plus de lard chaque année. Les enseignants invoquent en permanence le « manque de moyens », alors que le problème ne vient pas de là.  Et les gouvernements injectent toujours plus d’argent pour calmer la grogne des syndicats, en pure perte. Non, ce ne sont pas les classes de trente élèves – que nous avons connues dans notre enfance – qui expliquent le nivellement par le bas. Le véritable problème c’est la présence dans la même classe de plusieurs nationalités qui ne maitrisent pas le français.

Quelques naïfs ont pensé que le bon élève Macron, conscient de la faillite du système, allait y remédier. Certains ont applaudi à la nomination de Jean-Michel Blanquer. En dehors de quelques effets d’annonces, Blanquer a fait… comme ses prédécesseurs, c’est-à-dire à peu près RIEN.

Et Macron, l’homme du « et en même temps », a viré Blanquer pour nommer à sa place son contraire, Pap Ndiaye. Il faut y voir, une fois de plus, une provocation à l’égard des Gaulois et un gage donné aux minorités. A peine nommé, le nouveau ministre de l’Éducation Nationale a déclaré qu’il allait « lutter et faire barrage au Rassemblement National. ». Je ne savais pas que ce parti était une menace pour l’Éducation Nationale. Je croyais que la lutte contre l’islamisme à l’école, la sécurité des enseignants, l’instruction et le redressement du « bordel » éducatif  étaient ses seuls soucis.

Puis Macron a nommé Attal, qui a fait quelques annonces avant de céder la place à Amélie Oudéa-Castera, très vite virée et remplacée par Nicole Belloubet (qui fut, on s’en souvient, une Garde des Sceaux calamiteuse). On amuse la galerie, on se moque du monde ! Mais ne nous leurrons pas, tout ceci est voulu. Pour tuer une nation, après avoir détruit la travail, la famille et la notion même de patrie, il faut aussi tuer sa langue et sa culture, or si l’on veut imposer la « start-up nation »  au sein d’une Europe unie, il faut impérativement faire disparaitre la France en tant que nation.

En guise de conclusion, je citerai un article, excellent, qui m’a été  envoyé par un ami :

« Comment construire une pensée hypothético-déductive sans maîtrise du conditionnel ? Comment envisager l’avenir sans conjugaison au futur ? Comment appréhender une temporalité, une succession d’éléments dans le temps, qu’ils soient passés ou à venir, ainsi que leur durée relative, sans une langue qui fait la différence entre ce qui aurait pu être, ce qui a été, ce qui est, ce qui pourrait advenir, et ce qui sera après que ce qui pourrait advenir soit advenu ?…

Enseignez et pratiquez la langue dans ses formes les plus variées, même si elle semble compliquée, surtout si elle est compliquée. Parce que dans cet effort se trouve la liberté. Ceux qui expliquent qu’il faut simplifier l’orthographe, purger la langue de ses défauts, abolir les genres, les temps, les nuances, tout ce qui crée de la complexité sont les fossoyeurs de l’esprit humain. Il n’est pas de liberté sans exigences. Il n’est pas de beauté sans la pensée de la beauté… Des études ont montré qu’une partie de la violence dans la sphère publique et privée provient directement de l’incapacité à mettre des mots sur les émotions. Sans mot pour construire un raisonnement, la pensée complexe est entravée, rendue impossible. Plus le langage est pauvre, moins la pensée existe… » (5).

Mais je me force à rester optimiste. Je ne doute pas un seul instant qu’avec le Nouveau Front Populaire au pouvoir, les choses vont s’arranger …

Eric de Verdelhan
10 juillet 2024

1)- Autrefois on aurait dit qu’on parle « petit nègre » mais aujourd’hui c’est du racisme.
2)- Ecole Nationale d’Assurance ; émanation du CNAM.
3)- Quand j’étais en 7ème – l’actuel CM 2 – le fait de faire cinq fautes  vous valait un zéro pointé !
4)- Licence, Master, Doctorat.
5)- Ne m’en veuillez pas, je n’ai pas noté le nom de l’auteur.

 

 

FAIRE UN DON ?

Minurne fonctionne depuis 13 ans sans recettes publicitaires.
Si nos articles vous plaisent, vous pouvez nous aider en faisant un don de 5 €,10 € ou 20 € (ou plus, bien sûr) via Paypal.
Cliquez ci-dessous (paiement totalement sécurisé).

Laisser un commentaire

Votre commentaire sera publié apres contrôle.


*


Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

6 Commentaires

  1. Monsieur de VERDELHAN , ne seriez-vous pas un peu basque sur les bords ? Ne m’en veuillez pas, je sais qui a écrit le dernier paragraphe que vous citez et dont vous n’avez pas donné le nom de l’auteur. Je ne le ferai pas non plus car j’ai beaucoup de respect pour vous. Mais sans doute que les Amis du lac d’Hossegor s’en souviendront s’ils lisent Minurne car ils avaient repris ces mots sur l’appauvrissement de notre langue lors de la fête du Centenaire de leur Association en 2023.

  2. Jeune, j’ai connu des classes de 35 élèves, au lycée jusqu’à 45 élèves, en prépa 50 et en fac 150 et plus. Et ça fonctionnait parce que c’était des classes de niveau (niveau homogène) les seules qui génèrent une saine émulation et où les enseignants se sentent totalement efficaces. Un de mes arrière-grands-pères était instituteur de classe unique avec 63 élèves. La discipline régnait, les récompenses aussi (prix, images etc…) façon simple de stimuler l’attention et l’ardeur au travail intellectuel. Et en primaire tout le monde était vêtu de la blouse sans logo !

  3. Merci, M. de Verdelhan pou avoir mis Albert Camus en exergue. C’est un de mes auteurs préférés. Je connais même sa maison en Algérie pour l’avoir visitée. Ceci étant, vous avez raison : si la langue meurt le pays est sur le même chemin. C’est pourquoi, moi qui suis un poète amateur, à 87 ans, j’essaye encore et toujours d’écrire au moins 2 poèmes par semaine. C’est vous dire que je pourrais vous citer quelques vers. Mais vous le faites si bien que je vais simplement vous applaudir.

  4. Merci, M. de Verdelhan, pour ces diverses remises à l’heure de pendules.
    Je me permets néanmoins de préciser que dans “ils se sont succédé” il ne faut pas de “s”.

  5. “notre système éducatif – dit improprement « Éducation Nationale » – va de mal en pis. Il est devenu une machine à fabriquer des illettrés, des crétins ou des cancres.” Mais pour autant l’Education Nationale, en aucun cas, ne fait son autocritique ! Notion pourtant bien en vogue chez les cocos jadis avant liquidations !

    • Pour s’en rendre compte il suffit d’écouter la parole. J’ai l’impression que le français parlé et, soyons honnêtes, écrit parfois, sont de meilleure qualité dans les pays francophones qu’en France. Il n’y a plus de liaisons dans le discours ce qui donne des phrases hachées et je plains les élèves des écoles primaires lorsqu’on leur déclame un texte qu’ils doivent écrire. Comment détecter les différences de sens, de quantités, de sexe et, parfois, tout bêtement le sens des mots prononcés. C’est à pleurer, vraiment.