« Le 15 août 1944, 100 000 soldats, américains, canadiens et britanniques, ont débarqué sur les plages du Var, avec plus de 250 000 Français de l’Armée « B », future « 1ère Armée », composée de troupes venues des colonies françaises en Afrique, qui ont repris Toulon puis Marseille en moins de deux semaines. Ce succès reste un épisode souvent méconnu mais décisif de la libération de l’Europe… qui a permis à la France de s’asseoir à la table des vainqueurs. Placée sous les ordres du général de Lattre de Tassigny, l’Armée « B » comptait 84 000 pieds-noirs… 12 000 soldats des Forces Françaises Libres (FFL), 12 000 Corses, mais aussi 130 000 soldats musulmans… » (Sud-Ouest) (1).
Depuis des années, je me fais un devoir de commémorer des victoires ou des événements à la gloire de nos armes. Camerone, Bazeilles ou Diên-Biên-Phu sont des défaites mais j’estime qu’elles font partie de notre roman national car elles glorifient le courage, le sens de l’honneur et le sacrifice de nos meilleures troupes. Il faut que les jeunes générations sachent ce qu’elles doivent à leurs aînés.
En France, les seules dates qui semblent compter sont le 14 juillet, le 8 mai, le 11 novembre, plus quelques dates « mémorielles » imposées par une volonté de culpabilisation du peuple français et de repentance à l’égard des Juifs, des minorités et de nos anciens colonisés.
De son côté, le Français moyen, souvent nul en histoire, connait cependant quelques dates : Marignan en 1515 ; le 14 juillet (dont il situe l’origine à 1789, prise de la Bastille, alors qu’on honore la « Fête de la Fédération » un an plus tard) ; le 11 novembre 1918, fin de la saignée de 14-18 (2) ; et le 8 mai 1945, capitulation de l’Allemagne et fin de la guerre en Europe (3).
Les plus « beaufs » connaissent aussi 1664, naissance de Kronenbourg et les vieux soixante-huitards, devenus des Bobos, honorent le 10 mai 1981, date à laquelle, selon Jack Lang, notre pays passa « de l’ombre à la lumière » en élisant un homme ombrageux qui n’était pas une lumière.
Cette année, nous célébrons en grandes pompes les 80 ans de notre Libération ; c’est bien !
Pour les cérémonies autour du débarquement, le 6 juin 1944, Macron s’est déplacé et, selon son habitude, il a fait un de ses interminables discours filandreux qui rappellent Fidel Castro. Mais n’a pas voulu y inviter Poutine, ce qui traduit un mépris total pour le rôle de l’URSS dans la victoire finale. L’Europe a été libérée par 90 divisions anglo-américaines, quelques divisions françaises et 360 divisions soviétiques. Même un anticommuniste primaire comme moi n’oublie pas cette réalité.
Macron était dans sa démagogie racoleuse habituelle. Il a également refusé la participation des athlètes russes aux JO, ce qui est une grave atteinte à l’esprit de l’olympisme. Les athlètes russes ne sont pas responsables du conflit en Ukraine. On ne devrait jamais mêler la politique et le sport !
Le 6 juin 1944, début de l’opération « Overlord », nom de code de la bataille de Normandie, la 2ème Division Blindée du général Leclerc est entrée dans l’histoire, et elle le mérite grandement ! Le débarquement en Normandie fait partie du mythe, entretenu depuis 1945, de « la France libérée par elle-même ». En revanche, on parle peu de l’autre débarquement, celui de Provence, commencé le 15 août 1944. Sous le nom de code d’« Anvil Dragoon », c’est une vaste opération menée par les Alliés dans le Sud-est de la France. Appelée à l’origine « Anvil » (enclume en anglais), le nom a été changé en « Dragoon » par Winston Churchill qui était contre ce débarquement. Dans ses mémoires, il déclara y avoir été « contraint » (dragooned en anglais) par les Américains.
Les objectifs de l’opération étaient de libérer Toulon et Marseille, puis de remonter la vallée du Rhône pour effectuer la jonction avec les forces armées de l’opération « Overlord » débarquées massivement en Normandie à compter du 6 juin.
À partir du 15 août 1944, ce sont 260 000 combattants de la 1ère Armée Française du général de Lattre de Tassigny qui vont arriver dans le Sud de la France. Durant la nuit du 14 au 15 août, des commandos français sont débarqués sur les plages : « Rosie Force » débarque les 67 hommes du Groupe Naval d’Assaut du capitaine de frégate Seriot sur l’aile Est à Miramar pour couper la route aux renforts allemands venant de l’Est ; « Romeo Force » débarque le Groupe des Commandos d’Afrique du lt-colonel Georges-Régis Bouvet sur l’aile Ouest, de part et d’autre du cap Nègre…
Le 16 août, à J+1, débarque « Force Garbo » aux ordres du général américain Alexander Patch, et composée de la VII° Armée américaine et de la 1ère Armée française commandée par le « Roi Jean » de Lattre de Tassigny. Les trois quarts de « Force Garbo » étaient sous commandement français avec, presque exclusivement, des unités de l’Armée d’Afrique : 10 % des combattants étaient originaires de la métropole (les « Français Libres »), 90 % venaient d’Afrique du Nord dont une écrasante majorité d’anciens soldats de l’Armée d’armistice (devenue vichyste). 48 % étaient des « Pieds noirs ». Cette armée, c’était « l’Armée Giraud », et, pour certains « l’Armée du maréchal ».
Elle était constituée par : la 3ème Division d’Infanterie Algérienne du général de Monsabert ; la 1ère Division Blindée du général Touzet du Vigier et la 1ère Division Française Libre du général Diégo Brosset (gaulliste). Dans les jours suivants, ces unités furent renforcées par : La 9ème Division d’Infanterie Coloniale du général Magnan ; la 2ème Division d’Infanterie Marocaine du général Dody ; la 4ème Division Marocaine de Montagne du général Sevez ; la 5ème Division Blindée du général de Vernejoul et les deux groupements de Tabors Marocains du général Guillaume.
Après de rudes combats, les troupes du général de Lattre volent de victoire en victoire ; en deux semaines la Provence est libérée. Digne et Sisteron sont atteintes le 19 août, Gap le 20 août, Grenoble est prise le 22 août (soit 83 jours avant la date prévue), Toulon le 23 août, Montélimar le 28 août, Marseille le 29 août, Lyon le 3 septembre. Les Alliés, remontant la vallée du Rhône, rejoindront le 12 septembre, à Nod-sur-Seine, au cœur de la Bourgogne, celles du front de l’Ouest.
J’ai souvent écrit que c’est l’Armée d’Afrique qui a libéré la France. Certes, comme je l’ai raconté dans un de mes livres (4) elle n’était pas seule, tant s’en faut, mais la vérité historique – ou, l’honnêteté intellectuelle – voudrait qu’on cesse d’entretenir le mythe, aussi stupide que mensonger, de « la France libérée par elle-même » et du général de Gaulle boutant le Teuton hors de France, aidé par les FTP communistes (5). L’histoire mérite d’être nuancée car elle n’est pas aussi… simpliste.
Rappelons, juste pour mémoire, que lors du débarquement en Provence, le général Giraud mobilisa 27 classes de Français d’Algérie. Du jamais vu, même pendant la Grande Guerre!
176 500 furent réellement incorporés. Ils se sont remarquablement battus et leur taux de pertes au feu fut deux fois supérieur à celui des autres unités alliées ayant participé à la libération du sol national. Et tant pis s’il faut contredire les auteurs du film « Indigènes » (6) mais l’effort demandé aux musulmans fut moindre: sur 14 730 000 habitants de l’Algérie, 233 000 furent mobilisés soit 1,58% de la population. La majorité était constituée d’engagés volontaires. L’effort consenti librement par les musulmans d’Afrique du Nord (Algérie, Tunisie ET Maroc) fut 10 fois moins important que celui demandé aux seuls « Pieds noirs ». C’est une réalité occultée par presque tous les historiens.
Il faut aussi se souvenir que le 6 juin 1944, les « Français Libres » qui débarquèrent ce jour-là étaient… 177 : les « bérets verts » du commando Kieffer. D’ailleurs, les Alliés n’avaient même pas jugé utile de prévenir de Gaulle de l’imminence du débarquement. La 2ème Division Blindée du général Leclerc – celle qui est entrée dans l’histoire – n’a débarqué qu’en août 44, presque deux mois plus tard, sur le sol de France. Et, aussi glorieuse soit-elle, ce n’était jamais qu’UNE division.
On me dit parfois que j’oublie le rôle important de la Résistance. Non, je n’oublie rien et j’ai un respect – profond et total – pour les vrais résistants. Mais la Résistance, d’après l’historien Basil H. Liddell Hart, a représenté l’équivalent de deux divisions au maximum ; deux… sur les 500 venues à bout de l’Allemagne. Il faut se souvenir aussi que lors de la Libération, l’Armée a réussi à incorporer – péniblement – moins de 100 000 résistants alors que, sur les trois départements d’Algérie, le général Giraud, lui, avait réussi à mobiliser 300 000 hommes. Ceci se passe de commentaire !
Pourquoi nos manuels d’histoire nous parlent ils si peu de l’Armée d’Afrique ?
Je suppose que c’est pour faire oublier qu’après une guerre gagnée militairement, le 19 mars 1962, la France a lâchement, tragiquement, honteusement, abandonné les soldats d’Afrique du Nord venus la libérer en 1944… C’est aussi pour faire oublier que la plupart des chefs de l’Armée « B » du général de Lattre avaient fait allégeance à Pétain et préféraient Weygand et Giraud à de Gaulle, c’est d’ailleurs pour ça que ce dernier n’aimait pas les « Pieds-noirs ».
Eric de Verdelhan.
1)- « Sud-Ouest », édition numérique du 13 août.
2)- Mais les combats ont continué – aux Dardanelles entre autres – jusqu’en 1920.
3)- Le japon a capitulé le 2 septembre 1945.
4)- « Hommage à NOTRE Algérie française » (Editions Dualpha ; 2019).
5)- J’ai traité ce sujet dans « Mythes et Légendes du Maquis » (Editions Muller ; 2018).
6)- (Mauvais) film de propagande réalisé par Rachid Bouchareb, en 2006.
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