REMETTONS NOS PENDULES À L’HEURE (Jean Goychman)

Au moment où toutes les salles de rédactions de nos médias « mainstream » s’interrogent sur l’éventualité d’un vote qui censurerait le gouvernement Barnier, le rappel des événements qui se sont enchaînés est indispensable.

L’ORIGINE DU TROUBLE

Sans remonter à la préhistoire ou aux calendes grecques, on peut prendre comme origine la réélection d’Emmanuel Macron à l’Élysée en mai 2022, ou plus exactement les élections législatives qui l’ont suivi. Bien qu’élu quelques semaines plus tôt, elles marquèrent la défaite électorale du président de la République, puisqu’il ne disposait plus au sein de l’Assemblée Nationale d’une majorité absolue pour que le gouvernement du Premier Ministre qu’il lui appartenait de désigner puisse s’appuyer totalement sur le vote des députés pour approuver les lois qu’il allait proposer.

Pensant pouvoir compenser cette absence de majorité au « coup par coup » par une majorité relative occasionnelle, l’esprit de la Cinquième République s’est trouvé contourné.

UN ÉCART GRANDISSANT AVEC L’ESPRIT DE LA CONSTITUTION

Quelques textes furent effectivement adoptés par ce moyen mais les choses devenant de plus en plus difficiles, le recours à la procédure dit « de vote bloqué » (en gros, on se passe de l’avis des députés) décrite dans l’article 49-3, qui aurait dû rester exceptionnel, est progressivement devenu chose courante.

Le Président de la République aurait dû, de son coté, comme le prévoit la Constitution, demander son avis au peuple français.

Il avait alors le choix entre deux moyens de nature totalement différente. Il pouvait soumettre la continuité de son mandat à un référendum, ou bien provoquer de nouvelles élections législatives.

LE MAUVAIS PLAN DE LA COHABITATION

Les résultats des élections européennes de 2024 ont confirmé la popularité grandissante d’une opposition composite et la défaite de la liste soutenue par Emmanuel Macron. Comme on pouvait le prévoir en lisant les sondages, la liste présentée par Jordan Bardella est arrivée en tête. Y voyant peut-être une projection sur une future Assemblée Nationale, Emmanuel Macron a peut-être vu le coup politique qu’il pouvait faire en provoquant, au travers d’une dissolution, de nouvelles élections législatives. Effectivement, si le Rassemblement National confirmait cette tendance lourde, il avait de bonnes chances d’obtenir une majorité absolue dans la nouvelle assemblée. Dans ces conditions, une cohabitation (à mon humble avis contraire à l’esprit de la Constitution) pouvait se justifier en regard des trois précédents de 1986, 1993 et 1997.

D’autant plus qu’à l’issue de ces cohabitations, chacun des Premiers Ministres qui s’était porté candidat à l’Élysée a subi une cuisante défaite. De plus, les deux fois où ils se sont présentés contre le Président sortant (1988 et 2002) celui-ci a été réélu plus que confortablement.

Bien sûr, notre Président n’est pas machiavélique au point de penser que, compte-tenu des menaces judiciaires qui obscurcissaient le devenir politique de Marine Le Pen, le fait d’appeler à Matignon Jordan Bardella aurait peut-être pu lui permettre de faire « d’une pierre deux coups » …

LE SORT DES URNES EN A DÉCIDÉ AUTREMENT

Changement d’opinion des électeurs ou manœuvres de « petit réchaud », toujours est-il que l’assemblée issue de cette nouvelle consultation était encore plus fragmentée qu’avant et rendait le pays ingouvernable, quelles que soient les combinaisons. Après avoir passé plusieurs mois avant de trouver un Premier Ministre « tout-terrain » qui accepte le principe du « rodéo » pour tenter de rester en place, les difficultés parfaitement prévisibles sont apparues.

UNE CONJONCTURE CATASTROPHIQUE.

Comme disait Jacques Chirac, « les emm… volent toujours en escadrille » et notre situation présente n’échappe pas à la règle. A une crise politique pratiquement sans précédent viennent se cumuler les effets d’une situation financière catastrophique et d’un environnement international laissant apparaître le spectre d’une éventuelle guerre mondiale. Nous sommes bien loin du « long fleuve tranquille »

PREMIÈRE VÉRITABLE DIFFICULTÉ : LE VOTE DU BUDGET 2025.

En temps normal, l’exercice n’est pas simple. Aujourd’hui, c’est quasiment mission impossible tant les contraintes financières restreignent pratiquement à zéro tous les degrés de liberté. Le poste des dépenses ne pouvant être diminué en raison de la conjoncture, la diminution du déficit passe par l’augmentation des recettes, c’est-à-dire celle des impôts, dans un pays déjà orfèvre en la matière.

Plutôt que de faire un constat objectif en disant que nous ne pouvons en aucune manière satisfaire aux diktats de la Commission Européenne, le gouvernement choisit ce qui est conforme à l’idéologie du fédéralisme, plutôt que d’y opposer la souveraineté populaire française qui est la clé de voute de notre Constitution.

Cela ne résoudra rien et, dans ces conditions, seule l’adoption d’une motion de censure serait un moindre mal car, compte tenu de la volonté grandissante qui se manifeste dans l’opinion, elle permettrait de renouer avec cette souveraineté. Toutefois, elle n’est pas une fin en soi et elle doit être considérée comme une étape qui permettra au peuple français de renouer avec l’exercice de plein droit de notre Constitution. Le peuple devra, le plus rapidement possible, dire qui est, d’après lui, celui ou celle à qui il fait confiance pour être le garant de la souveraineté nationale.

LES COMBATS D’ARRIÈRE-GARDE

Certains prédisent le chaos financier si le gouvernement actuel était renversé. On peut constater sans être très perspicace, que le chaos est déjà là et qu’en sortir au plus tôt permettra d’en atténuer les effets.

Ceux qui brandissent cet épouvantail sont, pour certains, ceux-là même qui sont à l’origine de ce chaos.

D’autres prétendent qu’un nouveau président ne pourrait dissoudre immédiatement l’Assemblée. Peut-on imaginer un Président de la Cinquième qui ne disposerait pas de la plénitude des pouvoirs que l’élection au suffrage universel lui confère ?

Dans tous les cas, rien n’interdirait au nouveau président de modifier la Constitution afin de remédier à ce qui est vraisemblablement une lacune.

Ne nous y trompons pas, notre pays va vivre, à différents égards des heures cruciales. Quelle qu’en soit l’issue, elle doit être le reflet de ce que veulent les Français.

Jean Goychman

27/11/2024

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