« Soldats, il faut finir cette campagne par un coup de tonnerre qui écrase nos ennemis. Ne vous attachez pas à tirer beaucoup de coups de fusils, mais plutôt de tirer juste. Ce soir nous aurons vaincu ces peuplades du nord qui osent se mesurer avec nous. »
(Napoléon Bonaparte, le matin du 2 décembre 1805).
« J’ai livré vingt batailles aussi chaudes que celle-ci, mais je n’en ai vu aucune où la victoire ait été aussi promptement décidée, et les destins si peu balancés. »
(Le même, le soir du 2 décembre 1805, après la bataille).
Si la France était encore une grande nation, elle aimerait son passé, son histoire, sa gloire d’antan et elle ne passerait pas sa vie à faire de l’auto-flagellation et de la repentance honteuse. Elle refuserait de battre sa coulpe sur son Empire, la colonisation ou l’esclavage.
C’est cette repentance permanente qui explique, entre autres, que nous soyons chassés de nos anciennes colonies et/ou protectorats africains. Tout s’est accéléré avec Emmanuel Macron qui aura été, plus que tous les présidents avant lui, le fossoyeur de notre nation. Une nation qui n’est pas la sienne car il ne partage aucune de ses valeurs et n’en connait pas l’histoire. Or il est difficile d’aimer un pays sans connaître son histoire, et surtout sans se sentir héritier de son passé.
J’ai appris à aimer l’histoire de notre pays – et peut-être à la comprendre ? – avec Jacques Bainville (1). Le grand historien royaliste a écrit plusieurs livres sur l’Empereur dont son « Napoléon » qui fait autorité (2). Son jugement sur l’homme est sans appel :
« Sauf pour la gloire, sauf pour l’art, il eût probablement mieux valu qu’il n’eût pas existé… ».
Il est assez vraisemblable que Bainville, qui a grandement contribué à construire notre roman national, n’écrirait pas la même chose aujourd’hui.
Notre époque a besoin de héros, de gens à admirer, et elle en manque cruellement. On peut se demander pourquoi le premier Empire a davantage marqué les esprits que le second, qui fut pourtant beaucoup plus bénéfique pour la France ? Les deux ont mal fini ; le premier est mort à Waterloo, le second à Sedan. À la chute de Napoléon III, la France était prospère ; elle était exsangue lors de l’abdication de celui que les royalistes surnommaient « l’ogre corse ».
Le règne de Napoléon III marque l’avènement des dynasties bourgeoises. La toute-puissance des banquiers Emile et Isaac Pereire dont le nom est inséparable de l’essor économique du pays : banques, industrie, chemins de fer, stations thermales, immobilier… rien n’échappait à leur soif d’entreprendre. On peut citer aussi la fièvre bâtisseuse du baron Georges-Eugène Haussmann.
Napoléon III se considérait comme « le messie des idées nouvelles » mais il lui aura manqué un côté épique, ce rêve éveillé, ce supplément d’âme qui font qu’un monarque, un homme d’État, entre dans la légende et vient enrichir le roman national d’un peuple. Pour le général Bonaparte, ce sera l’odeur de la poudre, les charges de cavalerie, l’audace, les victoires – certes acquises au prix de milliers de morts mais qui sont restées gravées dans nos mémoires – qui font la fierté d’une nation.
Si une analyse bêtement cartésienne nous contraint à admettre que le règne de Napoléon III a été plus que salutaire pour le pays, et que celui de son oncle a fini en catastrophe, on a le droit (et même le devoir) d’admirer les beaux sabreurs du premier Empire.
Personnellement, je remercie Bonaparte d’avoir sorti notre pays de la furie révolutionnaire, (mais pas d’avoir mis l’Europe à feu et à sang). En revanche je voue un véritable culte à certains de ses généraux, entre autres, Antoine Fortuné de Brack et Antoine Charles Louis de Lasalle, celui qui disait « un hussard qui n’est pas mort à 30 ans est un j’en-foutre ! » et qui est mort à 36 ans, à la bataille de Wagram, le 6 juillet 1809. Ces guerriers avaient du courage, de l’audace et du panache.
En 2015, l’Union Européenne n’a rien trouvé de mieux que de commémorer le bicentenaire de la défaite de Napoléon à Waterloo. Dix ans plus tôt, Jacques Chirac et Dominique de Villepin (soi-disant le chantre de l’épopée napoléonienne) ont refusé de célébrer le bicentenaire de la bataille d’Austerlitz.
Ces deux démagogues ne voulaient pas heurter la communauté antillaise qui considère que Napoléon était d’abord un esclavagiste. Napoléon Bonaparte est pourtant la figure tutélaire qui résume le mieux l’identité française. Or la France traverse aujourd’hui la plus grave crise identitaire de son histoire et nous avons plus que jamais besoin de nos grands personnages, de nos héros, qui devraient être donnés comme modèles à nos jeunes. Napoléon a été l’incarnation de quatre valeurs qui sont essentielles à notre identité française : la méritocratie, l’intégration, la volonté politique de réforme, et l’honneur. Mais l’honneur est une valeur bien oubliée de nos jours !
Pour ma part, modeste historien (amateur), je m’impose de commémorer chaque année la bataille d’Austerlitz, la « bataille des trois empereurs », le lundi 2 décembre 1805 (11 frimaire an XIV), d’abord par « devoir de mémoire » mais aussi parce qu’elle m’a marqué (j’y reviendrai à la fin de mon article). Tous les ans, depuis au moins dix ans, je raconte en détail cette bataille.
Aujourd’hui, je le ferai plus brièvement mais mon respect pour les soldats d’Austerlitz reste le même : Austerlitz devrait être une fierté française. Résumons cette bataille épique :
Nous sommes fin 1805. Napoléon poursuit l’armée russe de Koutouzov. Après avoir libéré Munich, la « Grande Armée » descend le Danube et cherche une bataille décisive avec les Russes. Le 11 novembre, Koutouzov, renforcé par 10 000 Autrichiens, fond sur la division Mortier, dans le défilé de Dürrenstein. Les Français combattent à un contre trois. Ils mettent hors de combat 2 600 Russes.
Le 19 novembre, à Olmütz, Koutouzov opère sa jonction avec la 2ème armée russe et le corps d’armée autrichien. L’armée coalisée compte 86 000 hommes. Le surlendemain, Napoléon arrive à Austerlitz, à 110 km de Vienne, avec une armée de 73 000 hommes…Pendant deux jours, il va étudier scrupuleusement le futur champ de bataille qu’il a choisi, et il déclare à ses maréchaux :
« Jeunes gens, étudiez bien ce terrain, nous nous y battrons ; vous aurez chacun un rôle à jouer ».
Les Austro-russes ont une nette supériorité numérique. Napoléon va ruser : il fait croire à ses adversaires qu’il refuse le combat. Il abandonne le plateau de Pratzen, le 28 novembre. Puis, il envoie Savary, son aide-de-camp, faire des propositions de paix ; propositions que le Tsar refuse.
Napoléon diffuse par écrit le positionnement des différentes unités à tous ses maréchaux.
Bulletin intitulé « Dispositions générales pour la journée du 11 Frimaire an XIV (2 décembre 1805) » :
Au centre, Soult, avec ses 20 000 hommes, doit contre-attaquer et couper l’armée ennemie en deux, en attaquant le plateau de Pratzen. Lannes (15 000 fantassins) et Murat (8 000 cavaliers), au nord, doivent défendre leurs positions. Pour renforcer son flanc droit, Napoléon ordonne à Davout de quitter Vienne, son lieu de cantonnement, et de le rejoindre à marche forcée. Les 8 000 soldats de Davout parcourent les 110 km qui les séparent d’Austerlitz en 48 heures.
Le 2 décembre 1805, à 4 h du matin, quatre colonnes alliées quittent le plateau de Pratzen et marchent sur le flanc droit des Français. La bataille d’Austerlitz commence. À 9 h, les Français sont maîtres du plateau de Pratzen. Soult y installe ses canons. Après d’âpres combats, vers 15 h, la fin approche. 20 000 Russes, n’écoutant plus leurs officiers, fuient en désordre et espèrent échapper à l’encerclement en traversant les étangs gelés. L’artillerie française tire pour briser la glace, les hommes s’enfoncent dans l’eau et se noient. Paniqués et gelés, 2 000 Russes parviennent à regagner la rive où ils sont faits prisonniers. La victoire française est indiscutable, elle est totale. Une victoire payée au prix fort. Les pertes au sein des armées napoléoniennes sont de 1 537 morts, 6 943 blessés et 573 prisonniers. Les alliés comptent 16 000 morts et blessés et 11 000 prisonniers. Ils déplorent la perte de 45 drapeaux. Ces drapeaux iront orner Notre-Dame de Paris avant de rejoindre l’église Saint-Louis des Invalides. Les 185 canons pris serviront à fondre une partie de la colonne Vendôme.
Après la bataille, l’Empereur déclare à ses troupes : « Soldats…il vous suffira de dire, « J’étais à la bataille d’Austerlitz », pour que l’on réponde, « Voilà un brave »… ».
À la lecture de cette belle déclaration, je bombe le torse car…j’y étais. Mais c’était en… 1960, j’avais 11 ans et j’étais « enfant de troupe » à l’EMP (3) d’Aix- en-Provence. À l’époque, en 1ère année (la 6ème) nous fêtions la victoire d’Austerlitz. Sans doute était-ce pour inculquer aux futurs officiers la fierté de leur pays, de sa grandeur et de ses victoires ? Je préfère ça à la repentance !
Pour cette commémoration – jouée par des enfants – un seul cheval, celui du « Cyrard » qui tient le rôle de l’Empereur.
Je suis en uniforme de grenadier et je dois tomber, mortellement blessé, à la 2ème ou 3ème charge. Je joue le rôle d’un mort. C’est assez confortable puisque ça consiste à rester allongé pendant que mes condisciples s’essoufflent en charges et replis successifs. En fait, j’ai été réellement blessé, mais très légèrement: je suis allongé sur le dos quand un pétard m’éclate sur le front, au dessus de l’œil gauche. Je garderai longtemps une cicatrice minuscule qui me permettra de fanfaronner avec humour en affirmant : « j’ai été blessé au combat ». Quand on me demande où ? Je répondrai, tantôt goguenard, tantôt le plus sérieusement du monde : « à la bataille d’Austerlitz ». Comme notre triste époque manque singulièrement d’humour, ça fait toujours de l’effet, surtout dans certains cénacles très fermés, trop sérieux voire carrément coincés. Il y a quelques années, j’ai été invité à venir dédicacer mes livres à une réunion régionale de l’association des « Gueules cassées ». A table, mon voisin a voulu savoir si j’étais une « gueule cassée ». J’ai opiné du chef et, comme je l’escomptais, il m’a demandé où j’avais été blessé. J’ai répondu, sérieux comme un pape: « à Austerlitz ». Ce brave homme a dû penser que j’avais fumé la moquette ou que ma mère m’avait bercé trop près du mur, car il n’a plus pipé mot durant tout le repas. J’ai pu – quel bonheur ! – déjeuner en silence.
Je raconte cette anecdote pour qu’on comprenne pourquoi la bataille d’Austerlitz est gravée dans ma mémoire depuis mon enfance. Je laisse les politicards qui nous gouvernent, ces européistes forcenés, commémorer Waterloo. Après tout ce sont les mêmes qui célèbrent le 19 mars 1962 et les funestes Accords d’Evian qui marquent la fin de notre Algérie française (4). C’est gens-là souhaitent fondre notre nation dans un conglomérat européen. Ils veulent une France humiliée et repentante, moi pas ! Je rêve encore du temps où la France était fière, riche et conquérante. Or dans notre pays qui régente tout ou presque, on a encore le droit de rêver.
Eric de Verdelhan.
2/12/2024
1) « Histoire de France » de Jacques Bainville ; Arthème Fayard ; 1924.
2) « Napoléon » publié également chez Arthème Fayard ; 1931.
3) EMP = École Militaire Préparatoire.
4) Cette date ne rime à rien car – 1 – l’indépendance de l’Algérie date du 5 juillet 1962 et – 2 – après un conflit gagné militairement par notre armée, il est aberrant, il est méprisable, de fêter la victoire du FLN, victoire acquise grâce à la trahison du gouvernement français de l’époque.
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