« La première forme de la colonisation, c’est celle qui offre un asile et du travail au surcroît de population des pays pauvres ou de ceux qui renferment une population exubérante. »
(Jules Ferry, devant les députés, le 28 juillet 1885)
Chaque fois que j’écris un article sur la repentance honteuse d’Emmanuel Macron, qui fustige la colonisation et insulte le passé conquérant de notre pays, je me fais agonir par quelques ignares ou imbéciles qui estiment que la colonisation est « un non-respect du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ». C’est presque une Lapalissade mais c’est aussi d’une bêtise à pleurer ; ça démontre le formatage et la déstructuration mentale de beaucoup de nos concitoyens.
Dans notre pays, tout au long de d’année, les « décoloniaux », « racialistes », « indigénistes » etc…bref les associations antiracistes et/ou de défense des minorités, manifestent contre le pays qui les accueille, les abreuve de subventions diverses ; pays dont ils sont devenus citoyens grâce au « Jus soli » – le droit du sol – cette ineptie qui consiste à nous faire croire qu’une vache née dans une écurie serait un cheval. Avec la complicité de l’extrême-gauche, ces gens-là nous insultent, nous traitent de racistes, et déboulonnent ou saccagent les statues de nos grands hommes. Et le Franchouillard bât sa coulpe, honteux d’être le descendant de colonialistes – pire, d’esclavagistes – coupables, nous dit-on, d’avoir pillé l’Afrique et d’avoir retardé son épanouissement culturel, sa marche vers le progrès. Nous subissons cette accusation inepte depuis, en gros, le « regroupement familial » voulu par le tandem Giscard-Chirac, mais avec Macron, qui a qualifié le colonialisme de « crime contre l’humanité », les choses s’accélèrent, ce qui oblige régulièrement ce champion du « et en même temps » à un grand-écart idéologique, en faisant semblant de dénoncer le « séparatisme ». Emmanuel Macron, je ne cesse de l’écrire au risque de radoter, est un pompier-pyromane ; il aime jouer avec le feu et souffler sur les braises, mais je doute fort qu’il soit capable de maitriser l’incendie qu’il aura lui-même allumé, car ce jour fatidique viendra plus vite qu’on ne le croit, j’en suis intimement persuadé !
Amateur de voyages, j’ai passé ma vie (1) à chercher les traces de l’œuvre française dans le monde. Aujourd’hui, j’ai envie de vous reparler de notre Empire colonial, et d’une histoire dont nous n’avons pas à rougir, bien au contraire (2): nous devrions en être fiers !
Commençons par notre premier Empire colonial : le temps des conquêtes monarchiques.
Il est né de la rivalité avec l’Empire austro-espagnol de Charles Quint. François 1er contestait le monopole de l’Amérique aux Espagnols et aux Portugais accordé par le Traité de Tordesillas. La justification de cette colonisation était la propagation de la foi chrétienne (rôle des missions). L’autre raison, la vraie, est plus… mercantile : on voulait que les colonies fournissent les cultures exotiques que la métropole n’assurait pas (sucre, café, indigo, etc…). Ça n’a rien de critiquable !
Les Français s’implantent en Inde entre 1719 et 1763, grâce à Joseph François Dupleix.
En Amérique, la « Nouvelle-France » comprend presque la moitié de l’Amérique du Nord. Elle forme quatre colonies dont l’Acadie, le Canada, Terre-Neuve, et la Louisiane.
Après le Traité d’Utrecht, en 1713, elle perd l’Acadie (partie sud), la Baie d’Hudson, et Terre-Neuve (Plaisance). Mais elle forme deux nouvelles colonies : l’île Royale et l’île Saint-Jean.
Tout s’écroule au Traité de Paris en 1763, après la Guerre de Sept Ans : nous perdons le Canada, l’Acadie, l’île Royale, l’île Saint-Jean, et la partie Est du Mississippi (qui faisait partie de la Louisiane). Nous reprîmes la Louisiane occidentale avec pour seule condition de ne la vendre ni à l’Angleterre, ni aux Américains. C’est pourtant ce que fera Napoléon trois ans plus tard, en 1803.
En 1804, les Français perdaient le dernier fleuron de leur premier Empire colonial : la colonie de Saint-Domingue proclame son indépendance et deviendra la République d’Haïti. Je vous laisse méditer sur l’état actuel d’Haïti, plus de deux siècles après son accession à l’indépendance. Du temps du colonialisme, elle était surnommée « la perle des Antilles ». Fermons la parenthèse !
Une autre remarque me vient à l’esprit : à la Révolution, les libres-penseurs et autres apôtres des Lumières seront presque tous partisans du « réalisme économique » qui prône qu’« il ne peut y avoir de colonies sans esclaves » (3). Pourquoi n’en parle-t-on jamais ?
Après la chute du Premier Empire, la France ne conserve que quelques possessions : les cinq comptoirs de l’Inde, La Réunion, l’île de Gorée au Sénégal, quelques îles des Antilles (Guadeloupe, Martinique, Saint-Martin…), ainsi que la Guyane et Saint-Pierre-et-Miquelon.
Notre seconde période coloniale, qui m’intéresse davantage que la précédente, commence avec le Second Empire. Elle porte l’empreinte de Napoléon III et Chasseloup-Laubat (4), son ministre de la Marine et des Colonies. Ce dernier entreprend une modernisation de la marine de guerre qui permet d’améliorer la capacité d’intervention des troupes coloniales.
Mais, préalablement, en 1830, Charles X décidait de se lancer à la conquête de l’Algérie (5).
Chronologiquement, l’annexion de la Nouvelle-Calédonie, en 1853, constitue la première conquête coloniale de Napoléon III. En Afrique, il nomme Faidherbe gouverneur du Sénégal.
S’ensuivront la fondation du port de Dakar et la création du fameux corps des Tirailleurs Sénégalais. L’implantation du comptoir des Rivières du Sud, en 1859, puis l’acquisition de la côte du Gabon en 1862 sont les principales étapes de la pénétration française en Afrique de l’Ouest.
En Afrique de l’Est, Napoléon III signe en 1862 un traité de commerce avec Madagascar. La politique impériale vise principalement à contrer l’influence britannique. La même année, 1862, la France obtient la cession du petit territoire d’Obock sur la côte nord du golfe de Tadjourah.
Au Maghreb, nous renforçons la présence des conseillers militaires dans l’armée du Bey de Tunis. Puis nous étendons notre domaine en Algérie et conquérons la Cochinchine et le Cambodge, ainsi que des îles dans le Pacifique (aujourd’hui en Polynésie française) et le Sénégal.
En Europe, Napoléon III exerce sa politique expansionniste en annexant la Savoie et le Comté de Nice en 1860, par le Traité de Turin. Notons au passage que l’Algérie était française 30 ans avant le Comté de Nice et la Savoie (les Niçois et les Savoyards ne passent pas leur temps à nous insulter).
Ensuite, la France va coloniser progressivement la majeure partie de l’Afrique occidentale (l’AOF) et équatoriale (l’AEF), l’Indochine, ainsi que de nombreuses îles d’Océanie.
Lors de l’Exposition Universelle de 1895, la France, pourtant sévèrement battue en 1870, pouvait légitimement s’enorgueillir de son Empire colonial.
En Afrique : l’Algérie, le protectorat de Tunisie, le Sénégal, le Soudan, la Guinée, la Côte-d’Ivoire, le Dahomey (dont la conquête s’achève), le Congo, la Côte des Somalis, la Réunion, Nossi-Bé, les Comores et un (vague) protectorat sur Madagascar.
En Asie : les cinq comptoirs de l’Inde et l’Union Indochinoise (la colonie de Cochinchine, avec Saïgon, les protectorats d’Annam, du Tonkin, du Cambodge et des principautés laotiennes).
En Océanie : la Nouvelle-Calédonie, les Îles Loyauté, Wallis, les Îles de la Société, les Marquises, Tuamotu, et un protectorat partagé avec l’Angleterre sur les Nouvelles-Hébrides.
En Amérique : la Guyane, la Martinique, la Guadeloupe, un droit d’établissement à Terre-Neuve ainsi qu’à Saint-Pierre-et-Miquelon. Cette même année 1895, notre corps expéditionnaire de 20 000 hommes annexe, pour de bon, Madagascar.
Le 14 avril 1900, sous des trombes d’eau, le président Émile Loubet, surnommé « Mimile », ou « le président à l’Ail » car son accent fleure bon la Provence, inaugurait une autre Exposition Universelle. La France coloniale y était encore plus grande que lors de l’exposition de 1895. Éprise de modernisme, elle avait inventé l’automobile, la motocyclette, la bicyclette et se préparait à faire voler un « plus lourd que l’air ». L’Exposition fut, selon les témoins de l’époque, grandiose. On rendit un hommage au commandant Marchand, humilié par l’Anglais à Fachoda.
Cet Empire français va atteindre son apogée après la Première Guerre mondiale, lorsque la France reçoit de la Société des Nations un mandat sur la Syrie et le Liban.
Pendant la guerre de 39-45, les territoires français d’outre-mer sont un enjeu central. Et, à la fin, c’est l’Armée d’Afrique qui débarquera en Provence le 15 août 1944.
Mais l’Empire, gangréné et noyauté par les Soviétiques d’un côté et les Américains de l’autre – et ce pour la même raison : nous chasser de nos colonies – n’oublie pas notre humiliante défaite de juin 1940. La France a été faible, elle a subi une défaite mémorable, elle le paiera très cher !
Malgré des tentatives d’intégration (l’Union Française en 1946), le ver est dans le fruit ; le détricotage de notre Empire va commencer. La décolonisation de l’Afrique occidentale et de l’Asie diminue drastiquement l’Empire, entre 1954 (Accords de Genève) et 1962 (Accords d’Évian).
En 1958, De Gaulle parvient à revenir au pouvoir en se présentant, entre autres, comme le défenseur de l’Algérie française. « De Gaulle c’est l’Empire » disait la presse de l’époque.
1960 sera l’année la pire dans cette grande braderie. Après la Guinée rebelle – indépendante depuis le 2 octobre 1958 – ce sera le tour du Cameroun, puis c’est tout notre Empire africain qui va suivre : le Togo, le Dahomey, la Haute-Volta, le Niger, la Côte d’Ivoire, le Tchad, l’Oubangui-Chari, le Moyen-Congo, le Gabon, le Sénégal, le Soudan français, la Mauritanie, et Madagascar enfin.
Deux ans plus tard, ce sera le tour de l’Algérie…L’Empire français n’existait plus.
Je n’entends pas philosopher sur la nécessité – qui reste à prouver – de la décolonisation et du « droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ». Économiquement autant qu’au plan humain et moral, ce bradage a été un désastre. Nous avons perdu, entre autres choses, le pétrole et le gaz sahariens, le titane malgache, le riche sous-sol des grands lacs tchadiens, et j’en passe. Nous avons livré des peuplades amies à des tyrans, à des roitelets cupides, à des guerres tribales sans fin. Depuis, l’Afrique crève de la sécheresse, de la désertification, de la Malaria, du SIDA, de conflits ethniques ou religieux permanents. Et, à force de démagogie, d’auto-flagellation et de repentance de notre part, les anciens colonisés qui vivent en France se sont mis à nous détester (6).
Il faut lire « L’Épopée coloniale de la France », d’Arthur Conte (7) : ce second Empire colonial fut, à la fin du XIX° et au XX° siècle, le deuxième plus vaste du monde, derrière l’Empire britannique.
Présent sur tous les continents, il s’étendait à son apogée, de 1919 à 1939, sur 12 347 000 km2. En incluant la France métropolitaine, les terres sous souveraineté française atteignaient la superficie de 13 500 000 km2, soit 1/10ème de la surface de la Terre, abritant une population de 150 millions d’habitants à la veille de la Seconde Guerre Mondiale, soit 8 % de la population mondiale à l’époque.
Qu’il est facile, aujourd’hui, de critiquer et de condamner notre épopée coloniale ! Il ne s’agit pas de regretter ; les regrets ne servent à rien quand on a tout perdu. Il importe surtout de savoir, d’arrêter les jérémiades et la repentance, et de se sentir fier de notre passé.
Que dire en guise de conclusion ? J’ai parlé plus avant d’Haïti, première colonie à obtenir son indépendance. Sa situation est catastrophique ! Parlons de la dernière : Les Comores, indépendantes depuis 1975 (à l’exception de Mayotte dont les habitants, par référendum du 8 février 1976, se sont massivement déclarés pour le maintien dans la République française). Presque un demi-siècle après leur indépendance, les Comores sont en gros dans le même état de délabrement qu’Haïti.
Alors, n’en déplaise aux donneurs de leçons, et en premier lieu à Macron, ce n’est pas notre colonisation qui a été criminelle, c’est notre décolonisation « à la hussarde » : des peuples amis, en voie de développement, nous faisaient confiance. Nous les avons abandonnés au milieu du gué, et nous avons fait, du même coup, NOTRE malheur et LE LEUR. Mais ne demandons pas à Macron, qui prenait la Guyane pour une île, de comprendre les intérêts communs entre colonisateur et colonisés. On n’apprend pas ces choses-là à l’ENA. Les Chinois, les Russes et…les Américains – encore eux ! – ont compris que l’Afrique, dont les sous-sols sont immensément riches, était un continent d’avenir.
Certes les Africains se reproduisent comme des lapins sur une terre aride qui n’arrive pas à tous les nourrir mais ce n’est pas grave, le trop-plein continuera à se déverser… chez nous, en France.
Eric de Verdelhan
18/01/2025
1) Plus exactement mes vacances, car j’étais un salarié-lambda. Je voyage beaucoup surtout depuis que je suis en retraite.
2) J’ai consacré un chapitre à l’histoire notre Empire colonial dans « Cœur chouan et esprit para » (publié aux Editions Dualpha en 2020.)
3) Voltaire, comme tant d’autres, a placé beaucoup d’argent dans la traite négrière.
4) Prosper de Chasseloup-Laubat, dont la statue trône à Marennes (Charente-inférieure devenue Charente-Maritime) dont il fut le député en 1837.
5) Lire « Hommage à NOTRE Algérie française » (publié aux Editions Dualpha en 2019).
6) Cette remarque est à relativiser : en général cette détestation émane des Africains (Afrique noire et Maghreb). Les Asiatiques sont plutôt bien intégrés.
7) « L’Épopée coloniale de la France », d’Arthur Conte (publié aux Editons Plon en 1992).
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