JE RESPECTE LES HÉROS, TOUS LES HÉROS (Eric de Verdelhan)

« Le héros est celui qui relève le gant quand toutes les chances sont contre lui. »

 (Eschyle).

A la suite de mon article récent sur le Roi Louis XVI (1), un lecteur m’a dit avoir été « choqué » car j’ai écrit (note en bas de page) : « LVF : Légion des Volontaires Français (contre le Bolchévisme), organisation créée le 8 juillet 1941. Beaucoup de patriotes français, qui combattaient la « peste rouge », sont morts dans ses rangs et ces soldats méritent, comme les autres, notre respect… ».

Je suis habitué à ce genre de réaction épidermique ; j’ai droit à des volées de bois vert chaque fois que je rends hommage aux soldats de la LVF et de la division « Charlemagne » ; où encore quand je dénonce les crimes et les purges commis par les communistes à la fin de la guerre, durant cette triste période appelée, à juste titre, « l’épuration ». Ce sont des sujets sulfureux et « historiquement incorrects ». Il y a quelques années, dans un article qui se voulait objectif et documenté, j’ai vanté les qualités de chefs de guerre de Rommel et Guderian. Ces deux généraux allemands – eux, entre autres – nous ayant infligés en juin 1940 la plus mémorable raclée de notre longue histoire (pourtant riche en défaites cuisantes), je ne trouvais pas choquant de reconnaître leurs qualités guerrières. J’avais lu « La guerre sans haine » de Rommel (2) et les mémoires de Guderian (3). J’avais été impressionné par le courage, l’intuition et le sens du devoir de ces grands soldats. Après mon article, un quidam que je prenais pour un ami m’a demandé de rayer son nom de ma boite mails car « étant gaulliste et petit-fils de résistant » il ne supportait  pas que « je puisse dire du bien  de complices de la barbarie nazie ».

Dont acte ! Mais, après tout, quelqu’un qui ne tolère pas la vérité historique (et la liberté d’expression) ne mérite pas d’être de mes amis. Michel Audiard a bien résumé la question en faisant dire à un de ses personnages :

« Je ne parle pas aux cons, ça les instruit ! ».

J’ai sans doute beaucoup de défauts mais je crois être intellectuellement honnête ; disons que je m’efforce de l’être.

Passionné par notre histoire, je me suis souvent demandé ce que j’aurais fait si j’avais eu 20 ans en 1940 ? De nature pétocharde, je présume que j’aurais été…planqué et attentiste, comme les 40 millions de pétainistes dépeints par Henri Amouroux. Peut-être aurais-je été tué durant l’offensive de juin 40, comme plus de 90 000 de nos soldats ? Blessé, ou bien fait prisonnier comme presque 2 millions de militaires français, toutes armes confondues ? C’est la divine providence qui choisit notre sort, mais on peut l’aider. On peut subir son destin ou tenter de l’infléchir  voire de le provoquer

Mon père, alors jeune sous-lieutenant, a déposé les armes (faute de munitions), sur la colline de Sion-Vaudément – « la colline inspirée » de Maurice Barrès –  le 22 juin 1940 ; un de mes oncles, lieutenant de réserve, a terminé la guerre comme capitaine FFI ; un autre, évadé de France, a rejoint l’Afrique du Nord via l’Espagne pour s’engager dans les parachutistes (4) ; un autre enfin, capitaine d’artillerie de réserve, s’est fait réformer au premier coup de canon de la « drôle de guerre » et a passé tout le conflit à résister à… l’envie de résister (5). En dehors du dernier, tous ont fait leur devoir. Ils auraient légitimement pu adopter la formule de La Hire, le compagnon de Jeanne d’Arc qui disait :

« Comme soldat j’ai fait mon devoir ; pour le reste j’ai fait ce que j’ai pu ! ».

Je crois, très sincèrement, que si j’avais dû faire un choix à cette époque – autre que celui d’attendre tranquillement que les choses se tassent – mon anticommunisme viscéral m’aurait poussé vers la LVF plutôt qu’à Londres ou dans un maquis car, à partir de la rupture du pacte germano-soviétique, les communistes se sont découverts une âme de résistants et ils ont gangréné beaucoup de maquis. De plus, la plupart des maquis n’ont commencé la lutte armée que tardivement, après les débarquements alliés du 6 juin et du 15 août 1944. Beaucoup de ces résistants tardifs ont volé au secours de la victoire. De nombreux « héros » le sont devenus…après le départ des Boches. 

Légion des volontaires français contre le bolchevisme LVF ...

Mais rappelons ce qu’a été la « Légion des Volontaires Français contre le Bolchévisme », unité créée le 8 juillet 1941, juste après l’invasion de l’URSS par l’Allemagne. Le 30 octobre, ses effectifs partaient pour le front russe. Sur les 13 400 hommes qui voulaient s’engager, seuls 5 800 hommes ont été acceptés, c’est dire si la sélection était draconienne ! Notons que la France a eu la plus faible contribution en combattants volontaires pour le front russe de toute l’Europe (6).

Si l’on ajoute à la LVF, les Waffen SS, les engagés dans la Kriegsmarine, etc… le nombre de Français sous le casque allemand aura été de 40 000, un chiffre équivalent à celui des engagés dans la « France Libre » avant le ralliement de l’Afrique du Nord aux côtés des Alliés.

Le général Edgar Puaud, qui vient d’être nommé à la tête de la LVF 

Edgar Puaud sera son commandant de septembre 1943 jusqu’à sa dissolution en juillet 1944.

Son premier porte-drapeau, blessé au combat (et décédé le 4 juillet 1943) était Constantin Amilakvari, ancien adjudant-chef de la Légion. Le frère du colonel Dimitri Amilakvari tué le 24 octobre 1942, lors de la seconde bataille d’El Alamein, à la tête de la 13ème Demi-Brigade de Légion Étrangère (13°DBLE). Le président Pompidou a eu un oncle, lieutenant, qui servit également dans la LVF (7).

Avec le succès des troupes soviétiques en juin 1944, la LVF sera entraînée dans la débâcle du front russe. Durant la retraite, elle est chargée de stopper l’avance soviétique. Les 26 et 27 juin, 600 soldats de la LVF, commandés par Jean Bridoux, se battent près de la rivière Bobr en Russie blanche.

Un combat héroïque et inégal durant lequel ils arrivent à stopper la progression soviétique pendant quelques jours et à détruire des blindés. Un journal soviétique écrira : « …Sur la rivière Bobr, des unités blindées appartenant aux deux fronts de Russie blanche se sont heurtées à la résistance de deux Divisions françaises ». En réalité ces Français courageux étaient l’équivalent d’un bataillon.

En juillet 1944, Heinrich Himmler donne l’ordre du démantèlement de la LVF. Sa dissolution officielle est prononcée le 1er septembre 1944. Ses 1200 rescapés sont regroupés (avec les survivants d’autres unités de la Wehrmacht) dans la 33° Division SS « Charlemagne » (8). L’aumônier général de la LVF, monseigneur de Mayol de Lupé rejoindra lui aussi la Division « Charlemagne ». Quelques soldats français figureront parmi les derniers défenseurs de Berlin, fin avril début mai 1945, face à l’Armée Rouge. Il est de bon ton, de nos jours, de les traiter de traîtres et de salir leur mémoire, simplement parce qu’ils appartenaient au camp des vaincus : vae victis ! C’est la même dialectique infamante que celle des Algériens parlant de nos Harkis. Ces jugements sévères émanent souvent de gens qui n’ont entendu siffler que des balles de tennis (ou de golf pour les plus aisés financièrement).

N’ayant jamais eu à risquer ma peau sur un théâtre d’opération, j’ai un respect total pour les gens capables de risquer leur vie pour un idéal, pour une cause qui leur semble juste. Les soldats de la LVF se battaient pour la France car ils considéraient que le communisme – la peste rouge – était le pire des régimes. L’aumônier de la LVF, Jean de Mayol de Lupé, avait su convaincre les catholiques que leur combat était une croisade, légitime et juste, contre le matérialisme athée des communistes. Leur chef,  Edgar Puaud, déclarait :

« Dites aux Français que ceux qui se battent à l’Est…se battent pour leur pays ».

En affirmant cela, il était parfaitement honnête et sincère. Qui oserait dire, s’il a un minimum d’honnêteté intellectuelle, que les frères Amilakvari, Constantin et Dimitri, deux soldats magnifiques, deux héros, ne sont pas morts pour la France ?

À chaque cérémonie du 8 mai, en écoutant les envolées triomphalistes des certains orateurs, on en vient à se demander comment les Boches ont pu rentrer si facilement chez nous, tuer environ 100 000 de nos soldats et en faire prisonniers presque deux millions. Mais l’histoire est écrite par les vainqueurs. Et depuis la Libération, on essaie de faire gober au bon peuple que la France s’est libérée toute seule ; de Gaulle, comme Jeanne d’Arc avec l’Anglais, boutant le Teuton hors du pays à grands coups de croix-de-Lorraine, aidé par des maquisards gaullistes ou communistes. Régulièrement, je tente de rétablir la vérité ou de nuancer cette histoire enjolivée, embellie, voire romancée.

L’Allemagne a été battue par… 360 Divisions soviétiques, et sur notre sol, par 90 Divisions américaines, 20 Divisions britanniques et les Divisions de l’Armée d’Afrique. Rappelons, juste pour mémoire, que lors du débarquement en Provence d’août 1944, le général Giraud mobilisa 27 classes de Français d’Algérie. À partir du 15 août 1944, 260 000 combattants de l’« Armée B » du général de Lattre de Tassigny débarqueront en Provence ; 10 % étaient originaires de métropole (les « Français libres ») ou d’Afrique subsaharienne ; 90 % venaient d’Afrique du Nord dont une écrasante majorité d’anciens de l’Armée d’armistice (devenue vichyste) des départements d’Algérie, du Maroc et de  Tunisie; parmi ces derniers, 52 % étaient d’origine nord-africaine (près de 100 000) et 48 % étaient d’origine européenne (les « Pieds-noirs »). La Résistance, d’après l’historien Basil H. Liddell Hart, a représenté l’équivalent de deux Divisions ; deux… sur les 500 venues à bout des troupes allemandes.

Il faut se souvenir que lors de la Libération, l’Armée a réussi à incorporer moins de 100 000 résistants alors que, sur les trois départements d’Algérie, le général Giraud avait réussi à mobiliser 300 000 hommes. Ces chiffres, admis par tous les historiens, se passent de commentaire !

La guerre est une horreur, une « barbarie », pour reprendre le vocable à la mode, mais tous les salauds ne sont pas dans le même camp. Chaque belligérant possède son quota de lansquenets et de soudards ; ses héros, ses lâches, ses traîtres et ses bourreaux. J’ajoute que j’attends toujours – sans trop y croire ! – un « procès de Nuremberg » du communisme avec ses 100 à 150 millions de morts car je ne supporte plus les leçons de morale des admirateurs de Staline, de Mao-Zédong, de Pol-Pot ou de Fidel Castro ; et de tous ces gens qui voient des fascistes partout pour faire oublier les atrocités commises par les communistes. Des crimes de guerre ont été commis dans tous les camps.

Parlons, par exemple, d’un épisode peu glorieux de la vie du futur maréchal Leclerc ; épisode oublié par ses thuriféraires. Cette histoire a été racontée en détail par Christian de La Mazière, auteur du livre « Le rêveur casqué » (9), dans son livre-testament « Le rêveur blessé » (10):

« En 1945, tout à la fin de la guerre, un petit lot de prisonniers était échu en partage à un échelon de la 2ème DB. Ces prisonniers de guerre étaient des Français. Certes ils étaient revêtus d’un uniforme allemand… mais ils ne s’étaient pas battus contre l’Armée française, leur engagement étant exclusivement contre l’Est,  l’URSS, les « Rouges »… Ces jeunes gens étaient tous de bonne foi et courageux, comme le reconnut de Gaulle dans ses mémoires, mais ils étaient embarrassants, ces rescapés de la « Charlemagne ». On les fusilla sans jugement, sans conseil de guerre, sans rien, comme on détruit des animaux nuisibles… ».

En fait, Leclerc en personne a apostrophé vertement le jeune lieutenant qui commandait les survivants de cette unité: « Vous n’avez pas honte de vous battre sous l’uniforme allemand ? ». Et l’officier lui aurait répondu: « Vous vous battez bien sous l’uniforme américain ». En 1981, « Paris-Match » a relaté les faits, sans que cela soulève la moindre polémique. L’article montrait une photo de Leclerc, son inséparable canne à la main, qui faisait face à un petit groupe de Waffen SS français prisonniers.
La légende disait :

« Avec chagrin mais sans pitié, Leclerc va les faire fusiller : ces rescapés de la « Charlemagne » ont été capturés le 8 mai 1945 par la 2ème DB. Le général Leclerc les accuse d’avoir revêtu l’uniforme allemand. Il s’entend répliquer que lui-même sert sous l’uniforme américain. Une insolence et un défi qui leur vaudra d’être fusillés ».

C’était le 8 mai 1945, jour de la reddition de l’Allemagne. Dans son roman « Un héros très discret » (11) Jean-François Deniau a tenté d’enjoliver cette triste histoire : le lieutenant-colonel Dehousse, faux résistant, fait fusiller des jeunes Waffen SS pour leur épargner un procès infamant et pour que leurs familles les croient morts « pour la France ». La vérité est plus sordide : on n’a même pas jugé utile de les enterrer. Il faudra attendre…1949  pour que – à la demande de la famille d’un des fusillés –  leurs corps soient exhumés et enterrés dans une tombe commune au cimetière allemand de Bad Reichenhall.

Ceux qui ont une sensibilité à géométrie variable – et Dieu sait s’ils sont nombreux ! – vont arguer que ces Français, qui combattaient la peste rouge, étaient des traîtres ou des salauds ; qu’ils ont choisi leur camp – celui du mal – et que leur camp a perdu. Ils avaient choisi de ce battre pour une cause qui leur semblait juste. Si certains les insultent, moi je les respecte ; tant pis si ça déplait !

Chaque année, le 11 novembre, le 14 juillet ou le 8 mai, je pense aussi à eux, et au sergent-chef Dubois, cité dans un livre de Bergot sur la Légion Étrangère. Saint Cyrien, il avait été fait chevalier de la Légion d’Honneur comme sous-lieutenant pendant l’offensive de juin 1940, puis il avait reçu la Croix de Fer allemande comme oberleutnant sur le front russe, puis à nouveau la Légion d’Honneur comme sergent-chef de Légion (sous son nom d’emprunt) en Indochine. Quand l’Armée lui a offert de retrouver son nom et son grade de lieutenant dans « la régulière » il a choisi de rester dans la Légion, sa famille. Il a été tué sur « Béatrice » à Diên-Biên-Phu le 13 mars 1954.
In mémoriam.

Eric de Verdelhan.

03/02/2025

 

1) Article du 21 janvier, date de la mort du Roi, victime de la furie révolutionnaire.

2) « La Guerre sans haine » d’Irwin Rommel ; Amiot Dumont ; 1953.

3) « À la tête des panzers – Souvenirs d’un soldat » de Heinz Guderian ; Plon ; 1963.

4) Gravement blessé à l’entrainement, il n’a pas pu participer à la libération du pays.

5) Et c’est le même qui, lors de la bataille de Diên-Biên-Phu, qualifiera mon père de « héros malgré lui », ce que je ne lui ai jamais pardonné.

6) Seules la Suisse et la Suède, pays neutres, ont fourni moins de volontaires.

7) Après la guerre, il s’engagera dans la Légion Étrangère et finira sa carrière à Sidi Bel Abbès.

8) Division de Waffen SS français qui succéda à la LVF. Il faut lire Jean Mabire ou Saint Loup (nom de plume de Marc Augier) pour connaître l’épopée de ces soldats oubliés.

9) « Le rêveur casqué » de Christian de La Mazière; Laffont ; 1972.

10) « Le rêveur blessé  »; De Fallois; 2003.

11) « Un héros très discret » de Jean-François Deniau ; Olivier Orban ; 1989. Excellent roman dont Mathieu Kassovitz a tiré un mauvais film en 1996.

 

 

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