INCOMPÉTENCE ET CÉCITÉ DE NOS DIRIGEANTS (Jean Goychman)

La cécité de nos dirigeants
a sorti l’Europe du jeu mondial

 

 

Dans son livre « l’État profond américain », Peter Dale Scott cite (p 41) la définition que donne l’analyste républicain Mike Lofgren de ce système :

« Il existe un gouvernement visible situé autour du [National] Mall à Washington, et puis il existe un autre gouvernement plus obscur, plus indéfinissable, qui n’est pas expliqué dans les cours d’instruction civique, ni observable par les touristes à la Maison Blanche ou ou au Capitole. Le premier représente la politique partisane traditionnelle à Washington : le sommet de l’iceberg que les spectateurs de C-SPAN peuvent voir quotidiennement, et qui est théoriquement contrôlable par le biais des élections. La partie immergée de cet iceberg est ce que j’appellerais « l’État profond » qui suit son propre cap indépendamment de qui est formellement au pouvoir ».

Et cet État profond américain ne date pas d’hier. Mike Lofgren inclut dans sa définition le cartel des banques de Wall Street. Il s’appuie sur une communication de FD Roosevelt envoyée en 1933 à son ami le « colonel » Mandell House : « La vérité est, comme vous et moi le savons, qu’une composante financière s’est emparée du gouvernement depuis l’époque d’Andrew Jackson ».

Son caractère indépendant du pouvoir apparent a, du reste, été démontré lors de la crise des « subprimes » dans laquelle l’administration Bush puis l’administration Obama, respectivement républicaine, puis démocrate, ont suivi la même politique conduite par Wall Street et son concept du « too big to fail » qui a fait renflouer par le contribuable américain les grandes banques menacées de faillite pour sauver le système financier mondialiste.

Un État profond devenu tentaculaire

Dominant la finance internationale par Wall Street et la City londonienne qui l’a vu naître, ce système s’est introduit dans tous les rouages du pouvoir américain à l’insu (ou presque) des citoyens américains pour qui les centres du pouvoir démocratique apparents étaient restés les mêmes. Il y avait donc peu de chances, malgré les mises en garde d’Eisenhower en 1961 puis de Kennedy en 1963, que son action soit contrariée par un peuple américain soigneusement tenu à l’écart. Il a ainsi pu prospérer sans être inquiété, en se dotant d’agences comme la CIA ou la NSA qui n’avaient aucun compte à rendre au pouvoir apparent américain. La route vers le véritable objectif qui avait toujours été d’établir une domination mondiale était ouverte.

On vit ainsi naître, après la CIA, l’ACUE et l’OTAN

L’American Committee for United Europe (ACUE), émanation plus ou moins directe de la CIA, puis l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord. Le premier était destiné à mettre en place les conditions pour réaliser un vaste État européen fédéral et supranational dans lequel les nations européennes se fondraient « comme les marrons dans la purée » (de Gaulle dixit), qui préfigurerait le monde futur prévu par cet État profond devenu supranational.

La seconde devait, du moins au départ, assurer aux pays de l’Ouest de l’Europe une protection contre une invasion les troupes soviétiques qui, bien entendu, voulaient imposer le communisme au monde entier. C’est ainsi que la CIA avait implanté dans un certain nombre de pays européens des réseaux appelés « stay behind » dont les actions seraient coordonnées avec celle de l’OTAN.

L’effondrement de l’URSS en 1991 aurait dû, logiquement, se traduire par la disparition de l’OTAN. Mais, malgré la promesse formelle de ne pas chercher à s’étendre à l’Est de l’Elbe après la réunification allemande, celle-ci a continué à se développer en se rapprochant de plus en plus des frontières de la Russie.

Elle montrait ainsi son vrai visage, dissimulé jusque-là, d’une force armée destinée à imposer militairement la domination de l’État profond supranational.

Le visage masqué de certains leaders européens

L’emprise de l’État profond américain sur la « construction » européenne a été une constante depuis la fin de la guerre, et même probablement avant. Le dollar « AMGOT », auquel nous avons échappé grâce à la perspicacité de de Gaulle, en est une manifestation. Une autre constante a également consisté à favoriser l’accès au pouvoir de gens sur lequel l’État profond savait pouvoir compter compte tenu de leur passé ou de leurs convictions. Une fois ce réservoir d’« euro fédéralistes » épuisé, ils ont recruté de différentes manières la relève. Comme l’écrit Nikola Mircovic dans son livre « l’Amérique empire », plutôt que de coloniser les pays européens, ils se sont contentés de coloniser leurs élites.

2020, un espoir déçu

L’élection en 2016 de Donald Trump, et son discours de septembre 2017 devant les Nations Unies, furent porteurs d’un immense espoir. Contrairement à Obama et surtout Hilary Clinton, Trump n’était pas un « belliciste « de l’État profond. De plus, il allait résolument s’attaquer à ce système et ouvrir les yeux du peuple américain sur les agissements de ceux qui avaient confisqué la démocratie.

Pour ceux qui commençaient à voir « le bout du tunnel », la non réélection de Donald Trump en 2020 ne fut pas une bonne nouvelle.

C’est dans ce contexte qu’éclata la guerre entre la Russie et l’Ukraine. Elle permit, au travers des différents votes de l’ONU sur ce sujet, de montrer qu’un grand nombre de pays ne voulaient plus suivre les décisions américaines. Les BRICS+ d’un côté, l’OCS (Organisation de Coopération de Shangaï) de l’autre et de nombreux pays africains se manifestèrent ainsi. Aujourd’hui, ces pays « du grand Sud » représentent plus de 80 % de la population mondiale. Vladimir Poutine, qui en est un des leaders, avait pourtant prévenu les pays occidentaux le 10 février 2007 à Munich. Pour une des toutes premières fois, il évoquait la possibilité de voir naître un nouvel ordre mondial, différent du monde monopolaire et globalisé de l’État profond américain et qui serait, lui, multipolaire.

L’énorme différence entre les deux serait que ce dernier se construirait autour des souverainetés nationales, donc respecterait les nations que le monde monopolaire voulait faire disparaître.

Le tsunami du 5 novembre 2024

Ce jour-là, l’impensable s’est produit. Donald Trump a été réélu à la Maison Blanche, prenant à contre-pied tous nos petits marquis euro-mondialistes. Visiblement, ils n’avaient reçu aucune instruction relative à cette hypothèse, pourtant vraisemblable. Lors de son premier mandat, Trump avait ébranlé l’État profond en « l’enfumant dans son terrier » et le forçant ainsi à se mettre en pleine lumière. Bien sûr, toute l’intelligentsia mondialiste avait dénoncé les complotistes et, au cours de ces quatre années, les médias « européistes » n’avaient cessé de dénigrer, souvent dans des termes insultants, l’action que menait Donald Trump.

Mais d’autres dirigeants politiques, non européens, ont vite compris ce que cela signifiait. Et notamment Vladimir Poutine qui est loin d’être le seul. Depuis le début des années 2000, de plus en plus de pays cherchaient le moyen d’échapper à la domination américaine et sa propension à déclarer des guerres un peu partout. L’isolationnisme américain s’était commué en une sorte d’interventionnisme omnidirectionnel, de la Serbie à l’Irak en passant par l’Afghanistan qui commençait à inquiéter le monde non-occidental.

2025 le choc des mondes

Dès son retour aux affaires, Donald Trump signa une impressionnante quantité d’« executive orders » témoignant d’une intense préparation à ce retour. La liste, qui paraissait, à première vue, ressembler à un « inventaire à la Prévert » allait marquer, sinon la fin, du moins le début d’une période difficile pour l’État profond. Trump attaquait directement là où cela faisait mal : l’administration fédérale, les agences, le FBI et surtout l’USAID, officine de tout un tas de financements couvrant les actions de propagande et de déstabilisation. L’Amérique était en train de changer et nos élites n’ont pas compris que l’État profond américain – auquel certains devaient tout – avait perdu une grande part de son influence. D’aucuns crient à la trahison, d’autres évoquent « le devoir de continuité » d’un Etat qui, d’après eux, se doit d’honorer les engagements pris par les prédécesseurs, mais rien de tout cela n’apparaît sérieux. Le peuple souverain s’est prononcé et les élus doivent faire ce pourquoi ils ont été élus.

Vers un monde multipolaire

Comme Donald Trump l’a annoncé en 2017, « les mondialistes n’ont plus d’avenir ». Avec le changement de cap de l’Amérique qui se produit actuellement, c’est environ 90 % de la population mondiale qui ne s’opposent pas à cette vision d’un monde multipolaire. Succédant à l’ère des puissances maritimes établie il y a plus de cinq siècles, ce monde va avoir les continents pour pivots. Il est difficile de comprendre Donald Trump si on ne prend pas cette grille de lecture.

Il ne fait que fermer une parenthèse durant laquelle l’État profond américain, mondialiste et globaliste par essence, avait donné à la politique étrangère américaine une orientation « interventionniste » qui n’a jamais été conforme à l’esprit du peuple américain qui est resté très « isolationniste »

Depuis la Guerre d’Indépendance, le peuple américain a toujours considéré que le continent Nord-américain lui appartenait et n’a eu de cesse de le reprendre aux puissances européennes qui l’occupaient. C’était l’esprit même de la « Doctrine de Monroe » de 1823. Au Nord les Anglais, au Sud les Espagnols et, par analogie, les Danois au Groenland. Donald Trump reprend aujourd’hui à son compte cette doctrine, qui s’oppose au mondialisme des dernières décennies.

Cette tendance « continentale » se ressent dans beaucoup d’endroits du monde. Les BRI (Belts and Roads Initiatives) en sont une manifestation.

Le cas du continent européen pose un problème car il est scindé en deux pratiquement depuis l’Allemagne de Bismark car l’Angleterre, puissance dominante, ne voulait pas avoir en face d’elle la partie continentale de l’Europe unifiée sur un plan économique. Cette « théorie du Heartland » énoncée par John Mackinder en 1904 a été reprise ensuite par l’État profond américain pour empêcher tout rapprochement entre l’Est et l’Ouest de l’Europe. Une des conséquences que nous, peuples européens de l’Ouest, risquons de payer très cher dans le futur, est le rapprochement entre la Chine et la Russie qui pourrait donner au continent asiatique une puissance sans égal en rendant le monde « non Westphalien ».

Or, la paix du monde futur repose en grande partie sur ce concept suivant lequel aucun continent ne pourrait être plus puissant que tous les autres réunis.

On peut penser que Donald Trump adhère à ce concept et c’est la raison pour laquelle il voudrait rapprocher la Russie de l’Europe occidentale, rejoignant la vision gaullienne d’une « Europe de l’Atlantique à l’Oural ».

L’attitude des dirigeants européens peut être fatale à l’Europe

En voulant ostraciser la Russie à tout prix afin d’accélérer le fédéralisme européen en agitant la peur d’une invasion militaire russe, la politique de nos dirigeants européens va s’opposer frontalement à celle de Trump qui, lui, va tenter d’éloigner dans toute la mesure du possible la Russie de la Chine.

En bons élèves du « Docteur Schwab », ils restent fidèles à la vision globaliste d’un « Great Reset » dont les chances de succès se sont singulièrement réduites.

Le risque est de se trouver dans la situation de l’Europe d’avant la guerre de 14 où les pays européens s’étaient ruinés en s’armant pour un conflit opposant la « Triple Entente » à la « Triple Alliance » et avaient dû sacrifier leur stabilité monétaire en quittant l’étalon-or pour financer la guerre par une dette énorme, ce qui leur a coûté une perte d’hégémonie et d’influence sans précédent.

Les mêmes causes dans le même contexte produisant les mêmes effets, il y a tout lieu de s’inquiéter de l’avenir de nos nations européennes qui semble assez sombre alors qu’une autre vision, celle d’une Europe des patries et des coopérations entre États, apparaît beaucoup plus réaliste.

Jean Goychman   

12/3/2025

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