
Ainsi donc, Gabriel Attal se voit président de la République à plus ou moins long terme.

Je suppose que, à ses yeux, le plus tôt sera le mieux. En 2027, probablement. Ainsi Georges Pompidou avait-il pris rang parmi les successeurs possibles du général de Gaulle en déclarant depuis Genève, plusieurs mois avant la démission du chef de l’État :
« Si Dieu le veut, j’aurai un destin national. »
Dieu pesa-t-il sur la suite des événements ? En tout cas, Pompidou fut élu assez confortablement, en 1969, malgré une rude concurrence.
Quels avantages ont assuré cette victoire ? L’âge et l’expérience politique ont évidemment pesé. Pompidou avait 57 ans. Pas trop vieux, quand le Général avait tout de même 80 ans. Pas trop jeune, à une époque où l’expérience paraissait un atout. Et d’expérience, il ne manquait pas : proche collaborateur de De Gaulle dès 1944, directeur de cabinet à l’Élysée de 1958 à 1962, il fut premier ministre de 1962 à 1968. On connaît la suite.
Dans toute cette carrière, embrassant des événements considérables, on ne peut citer aucun faux pas important. Pompidou s’offrit même le luxe de s’opposer avec succès aux intentions du Général, notamment en 1963, pour empêcher l’exécution des généraux putschistes Salan et Jouhaud ; en 1968 pour dissuader le président de faire tirer sur les étudiants révoltés.
J’ai choisi ce destin parmi d’autres, parce qu’il représente la quintessence du parcours sans faute. Or le cas Attal s’inscrit en creux par rapport à celui-là. Il s’apparente plutôt au sort d’Alain Juppé ou à celui de Laurent Fabius : une intelligence supérieure, un bagage intellectuel au-dessus de la moyenne, un parcours brillant, commencé jeune, une ambition démesurée qui n’avait qu’un seul but, l’accès à la magistrature suprême… Et, pour finir, la retraite loin de l’Élysée et de brèves mentions dans les livres d’histoire.
J’avoue qu’Attal m’a épaté lorsqu’il a commencé à faire des étincelles au ministère de l’éducation nationale, âgé de seulement 34 ans. Le 18 septembre 2023, je me suis laissé aller à cette prévision hardie :
« Il ira loin, le petit Gabriel Attal. Un ministre de l’éducation nationale qui ne pratique pas la langue de bois et fonce devant lui dans la bonne direction, ça se remarque. Il est à peu près le seul, dans ce gouvernement, à ne pas ressembler à une figurine de plâtre dans un stand de tir forain. Je le vois assez bien succéder à Élisabeth Borne avant la fin du quinquennat. »
La prédiction, qui n’était partagée par personne, s’est accomplie en totalité. C’est ensuite que les faits m’ont amené à douter de ma perspicacité.
En première ligne lors de la colère paysanne du début de l’an dernier, le tout jeune premier ministre est allé discuter avec les révoltés, à un barrage routier, assis sur une botte de paille jusqu’à une heure avancée de la nuit. Il a tout écouté et tout promis. Sans jamais admettre qu’il ne disposait d’aucune marge de manœuvre, toutes les questions évoquées étant du seul ressort de Bruxelles… D’ailleurs, au même moment, Ursula von der Leyen faisait le voyage de l’Argentine pour signer dans notre dos le traité du Mercosur ! Et aucune de ces promesses, aucune, n’a été tenue.
L’enfant prodige de Macron apparaissait soudain pour ce qu’il n’a jamais cessé d’être, et encore aujourd’hui : un bluffeur de compétition, un petit joueur de bonneteau, un enfant gâté, sans états d’âme et sans convictions. Au collège Franklin, il se voyait faire du cinéma. Il en fait et peu importe les rôles. Un temps fidèle à Macron à qui il doit tout, aujourd’hui en rupture ; un jour négociant avec les séditieux de LFI quelques circonscriptions à gagner sur le RN, maintenant les yeux ouverts sur le danger mélenchoniste…
Il ira loin, oui, le petit Gabriel Attal. Du PS dont il sort, au Conseil constitutionnel où il finira. Si tout va bien.
Jean Pigeot
07/04/2025
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[PHOTO] Au meeting de Renaissance, dimanche, à la Cité du cinéma – ça ne s’invente pas. Gabriel Attal est chaleureusement applaudi par Édouard Philippe, candidat déclaré à l’Élysée, François Bayrou, candidat présomptif, et Hervé Marseille, président de l’UDI. On connaît au moins les deux premiers cocus de l’aventure.
« Avec mes soutiens, l’un dans l’autre si on s’entend bien, j(y arriverai »