– QUESTIONS FRÉQUENTES –

MÉMORIAL DE LA SHOAH, PARIS

 

Quand on parle de Shoah, de quoi et de quelle période historique parle t-on ?

Shoah est un terme hébreu signifiant catastrophe. Il est utilisé pour caractériser le génocide des Juifs par les Nazis durant la Seconde Guerre mondiale. Le terme Shoah considère le génocide stricto sensu, c’est à dire une période courant du début des massacres à l’été 1941 à la fin de la guerre en Europe au printemps 1945 lequel marque la fin du danger pour les Juifs d’Europe. Toutefois, la persécution des Juifs d’Europe commence bien avant, avec les humiliations et violences quotidiennes, l’exclusion juridique et sociale, ou encore les spoliations, qui débutent dès les premières semaines qui suivent l’arrivée des Nazis au pouvoir en Allemagne le 30 janvier 1933.

Combien de Juifs furent assassinés durant la Shoah ?

Aujourd’hui, les historiens s’étant penchés sur la question estiment le nombre de victimes juives entre 5 et 6 millions. Il n’est pas possible d’établir un bilan détaillé, les Nazis n’ayant pas tenu de comptabilité systématique des assassinats et gazages qu’ils ont commis. C’est en effet le cas en Pologne et en Russie qui regroupaient avant guerre les plus grandes communautés juives d’Europe où les Juifs moururent, soit dans les ghettos, soit exécutés par des Einsatzgruppen ou encore dans les centres de mise à mort.

Toutefois, pour certains pays, des calculs plus précis sont possibles. Ainsi, en France, le calcul est permis grâce aux listes de déportation laissées dans les archives par les Nazis. Ainsi, près de 76 000 juifs de France ont été déportés dans les centres de mise à mort, auxquels il faut ajouter les Juifs morts pour faits de résistance sur le sol national ou en camp de concentration, abattus comme otages, ou encore morts dans des camps d’internement français, soit près de 80 000. Ainsi, selon l’historien américain Raul Hilberg, 5 100 000 victimes juives sont mortes durant la Shoah. Il affine son calcul en détaillant comme suit la répartition des victimes :

– Morts dans les ghettos : 800 000
– Morts par exécutions (Einsatzgruppen) : 1 300 000
– Morts dans les camps d’extermination : 2 700 000
– Morts dans les camps de concentration : 300 000

Le Museum Holocaust de Washington indique que les victimes juives furent plus de 5 860 000. Quoi qu’il en soit, le chiffre d’environ 6 millions de personnes est avancé et accepté par la plupart des autorités compétentes sur la question. De fait, 50 % des Juifs d’Europe furent assassinés et 40 % du judaïsme mondial, alors très majoritairement européen.

Quel fut, selon les pays, le nombre de victimes juives de la Shoah ?

Selon « The Encyclopedia of the Holocaust » le nombre de victimes juives par pays est le suivant :

Autriche : 50 000, soit 27 % de la population juive en 1939.
Allemagne : 141 500, soit 25%
Belgique : 28 900, soit 44%
Bulgarie : 0
Bohème/Moravie : 78 150, soit 66,1%
Danemark : 60, soit 0,7%
Estonie : 2 000, soit 44,4%
Finlande : 7, soit 0,3%
France : 77 320, soit 22,1%
Grèce : 67 000, soit 86,6%   
Hongrie : 569 000, soit 69%
Italie : 7 680 soit 17,3%
Lettonie : 71 500, soit 78,1%
Lituanie : 143 000, soit 85,1%
Luxembourg : 1 950, soit 55,7%
Norvège : 762, soit 44,8%
Pays-Bas : 100 000, soit 71,4%
Pologne : 3 000 000, soit 90,9%
Roumanie : 287 000, soit 47,1%
Slovaquie : 71 000, soit 79 ,8%
URSS : 1 100 000, soit 36,4%
Yougoslavie : 63 300, soit 81,2%

Qu’appelle-t-on un camp de la mort ? Un centre de mise à mort ? Un camp de concentration ? Un camp d’internement en France ?

Camps d’extermination. Camps de la mort. Centres de mise à mort Un grand nombre d’ouvrages portant sur la question mais également de manuels destinés aux élèves de l’enseignement primaire et secondaire utilisent le vocable « camps d’extermination » pour parler des lieux dans lesquels ont été assassinés par gaz les Juifs d’Europe. Ces camps étaient au nombre de 6, tous situés sur le territoire polonais de 1939, qui devint ensuite territoire du Reich allemand :

– Auschwitz-Birkenau
– Belzec
– Chelmno
– Majdanek
– Sobibor
– Treblinka

La finalité de ces camps était la destruction des populations juives d’Europe. L’historien Raul Hilberg préfère l’expression « centres de mise à mort » qui, selon lui, retranscrit davantage la réalité de ce qu’étaient ces lieux. En effet, en dehors d’Auschwitz-Birkenau et de Majdanek qui furent des camps mixtes, c’est à dire qui enfermaient également des prisonniers dans le but d’exploiter leur main d’oeuvre, les 4 autres (Belzec, Chelmno, Sobibor et Treblinka) ne furent que des lieux dans lesquels furent installés chambres à gaz ou camion à gaz ; ils ne recevaient pas de prisonniers si ce n’est quelques dizaines chargés d’exécuter le travail sur les morts (ramassage et tri de vêtements, nettoyage des chambres à gaz, crémation, etc.). Ainsi, on ne peut véritablement parler de camps car les déportés n’y séjournaient pas, ils étaient immédiatement gazés à leur arrivée.

Camps de concentration

Les camps de concentration furent créés dès l’arrivée au pouvoir des Nazis en Allemagne en 1933. Dachau, près de Munich, fut le premier à ouvrir en mars 1933. Ils étaient à l’origine destinés à la « rééducation » par le travail des opposants au régime et des gens considérés comme asociaux. Avec la guerre, ces camps se multiplièrent sur le territoire allemand pour recevoir les résistants et opposants déportés de toute l’Europe. Le principe de la mort par le travail forcé au service de l’Allemagne devient alors la règle.

Camps d’internement en France

Les premiers camps d’internement en France furent ouverts pour accueillir les réfugiés républicains espagnols en 1938. Rapidement, ils accueillirent les Allemands et Autrichiens, pour la majeure partie réfugiés en France car anti-nazis ou juifs, mais considérés par les autorités françaises comme ressortissants d’un pays ennemi. Nombre de ceux-ci furent ensuite livrés aux autorités nazies à la suite de la défaite française de mai-juin 1940 par le gouvernement de Vichy. A partir du printemps 1941, ces camps d’internement accueillirent les premiers hommes juifs raflés à Paris. Par la suite et jusqu’à la Libération, plus de 75 000 personnes, hommes, femmes et enfants, furent internés dans ces camps, ayant été internés à la suite de rafles majeures comme celles du Vélodrome d’Hiver (16-17 juillet 1942) et de Marseille (21 janvier 1943) ou d’arrestations individuelles, avant d’être déportés en wagons à bestiaux vers les centres de mise à mort de Pologne. La grande majorité des convois partis de France (77 convois) partirent de Drancy en région parisienne (67 convois), qui devint ainsi l’antichambre de la mort.
Pithiviers, Beaune-la-Rolande ou encore Compiègne furent les principaux camps d’internement français dans lesquels les internés attendaient leur déportations sans travailler.

Que veut dire l’expression « Solution Finale » et quelle est son origine ?

Le vocable « Solution Finale du problème juif » (en allemand : « Endlösung den Judenfrage ») fait référence au plan nazi de destruction des Juifs. Le terme est volontairement allusif, c’est à dire qu’il s’agissait, pour les Nazis, de cacher la réalité de leur plan et des agissements des « Einsatzgruppen » et organisateurs des déportations en employant un vocabulaire choisi et vague. Il fut employé à la conférence de Wannsee par les dignitaires nazis. Cette « Solution finale », objectif prioritaire pour les Nazis, concernait les onze millions de Juifs en Europe ; ce plan prévoyait leur arrestation, leur transfert à l’Est où ceux qui ne seraient pas éliminés « naturellement », c’est à dire par le travail forcé et les privations, seraient « traités en conséquence », c’est à dire gazés dans des camions à gaz ou des chambres à gaz.

Les interprétations des historiens sur ce qui fait basculer Hitler et les Nazis dans la volonté dissimulée derrière un vocabulaire choisi, d’exterminer les Juifs d’Europe divergent. Ainsi, le débat entre intentionnalistes et fonctionnalistes qui agitait les historiens dans les années 1970-1980 paraît aujourd’hui dépassé. Les premiers considéraient que la volonté d’exterminer les Juifs d’Europe était affirmée clairement dans un dessein ancien, voulu et programmé par Hitler depuis son arrivée au pouvoir en 1933. Pour les seconds, c’est avant tout le déclenchement de la guerre en URSS qui change la nature même de la guerre qui devient alors une guerre d’anéantissement total, entraînant, dans une spirale de radicalisation, la décision de la « solution finale du problème juif ». Toutefois, aujourd’hui, si la thèse intentionnaliste n’est plus guère d’actualité, certains historiens voient dans les racines même du nationalisme allemand exclusif le terreau favorable sur lequel prospère un antisémitisme biologique et éradicateur dès la fin du XIXème siècle. C’est ce terreau, à la faveur des circonstances liées à la guerre à l’Est, qui permet la prise de décision menant à la « Solution Finale ».

Quand fut décidée la « Solution Finale » et quand débuta-t-elle ?

La « Solution Finale » semble être décidée dans le courant de l’été 1941, au moment où ont lieu les premiers grands massacres à l’Est. Selon les études récentes, la décision fit suite au déclenchement de l’invasion de l’URSS par les troupes allemandes. Si les Juifs d’Europe avaient subi jusqu’en juin 1941 des persécutions, des expulsions et des mises à mort au hasard, à partir du déclenchement de la guerre à l’Est, ils sont massacrés systématiquement; massacres qui marquent le début de la « Solution finale ». Christopher. Browning soutient qu’Hitler décide de l’extermination durant l’été 1941 alors qu’il est porté par les succès rapides de son offensive à l’Est. Philippe Burrin, au contraire, insiste sur le fait qu’Hitler aurait compris durant l’été 1941 que son projet de victoire-éclair à l’Est était voué à l’échec. Devant la perspective d’une guerre longue qu’il analyse alors comme une guerre du Reich contre une coalition mondiale (Etats-Unis, URSS, Grande-Bretagne) inspirée par la « juiverie internationale », laquelle doit payer au plus vite pour le sang versé et qui va être versé par les soldats allemands, Hitler aurait alors décidé d’exterminer les Juifs d’Europe. La « Solution finale » fut d’abord le fait de groupes spéciaux chargés de suivre l’avancée des troupes allemandes à l’Est : les Einsatzgruppen. Ensuite et parallèlement, à partir de décembre 1941 des camions à gaz fonctionnaient au centre de mise à mort de Belzec en Pologne. En 1942, les six centres de mise à mort tournaient à plein régime.

Quelle était la différence entre la persécution des Juifs et la persécution des autres groupes classés par les Nazis comme ennemis du IIIème Reich ?

Les Juifs furent l’unique groupe voué à une extermination systématique par les Nazis. Chaque membre considéré comme appartenant à ce groupe était menacé de mort partout où s’étendait la domination nazie, quelle que fut sa condition (homme, femme, enfant, vieux malade, handicapé, etc…). Les Tziganes furent également victimes de destructions massives, mais elles ne furent pas systématiques dans les territoires occupés par les Nazis.
Les autres groupes classés comme ennemis du Reich par les Nazis ne voyaient pas leur famille menacée du fait de leur appartenance à un groupe donné, défini. Ainsi, leurs familles n’était pas susceptibles d’être envoyées dans des camps de concentration ou d’extermination. De plus, parmi ceux-ci, la majorité avait fait le choix d’être des ennemis des Nazis par leur action militaire ou politique. Les Juifs étaient coupables par essence, les autres étaient considérés coupables du fait de leur engagement ou de leur comportement.

Que savait le peuple allemand de la persécution des Juifs et de leur extermination ?

La persécution des Juifs fut chose publique en Allemagne dès l’arrivée des Nazis au pouvoir en 1933. Ainsi, le boycott des magasins juifs lancé le 1er avril 1933 fut connu de toute la société allemande. Les lois raciales de Nuremberg édictées en 1935 excluant les Juifs de la société allemande furent publiées et mises en pratique aux vu et su de tout le monde. Le pogrom de la Nuit de Cristal dans la nuit du 9 au 10 novembre 1938 vit l’arrestation de 30 000 personnes, la mort de plusieurs dizaines, la destruction de centaines de lieux de culte et de synagogues. Le port obligatoire de l’étoile jaune qui fut décidé en septembre 1941, le regroupement des allemands de confession ou d’origine juive dans des immeubles étaient vus et connus de tout le monde.

Les Nazis cherchèrent à dissimuler la « Solution finale » derrière un vocabulaire volontairement elliptique. Nous pouvons penser que pour un grand nombre d’Allemands, les Juifs, qui avaient disparu de la société allemande, avaient été expédiés vers l’Est dans le but d’être réinstallés ou de travailler, mais que rien n’était vraiment clair quant à leur destin. Toutefois, comment ne pas penser qu’une partie importante de la société allemande pouvait avoir des informations sur ce qui se passait ? Le professeur Victor Klemperer, pourtant enfermé dans son appartement, coupé de toute information et de tout contact avec la société allemande, mentionne Auschwitz, dans son journal , le 16 mars 1942, ajoutant qu’il se passe là bas des choses atroces. Le nombre d’employés de la Reichsbahn (société des chemins de fer allemands) qui conduisaient ou voyaient passer les trains de la mort, les employés des nombreux services administratifs qui traitaient ces questions, sans parler des acteurs eux-mêmes : policiers de l’Ordnung Polizei chargés de massacrer les populations juives en Pologne et Russie, membres des Einsatzgruppen.

Ainsi, nombreux furent ceux qui étaient au courant et beaucoup parlèrent sûrement autour d’eux de ce qui se déroulait. Il est fort intéressant de voir d’ailleurs la réaction des hommes d’Eglise, et notamment de Mgr Von Galen, évêque de Münster, qui parvinrent à faire stopper le programme T4 d’élimination des handicapés et asociaux dès qu’ils émirent une protestation officielle.

Est-ce que les peuples de l’Europe occupée étaient au courant du sort réservé aux Juifs? Quelle furent leurs attitudes ? Collaborèrent-ils avec les Nazis contre les Juifs ?

Les comportements des populations occupées par l’Allemagne nazie face aux persécutions et déportations des Juifs varièrent et il est très difficile de dresser un bilan exhaustif des différentes attitudes. En effet, dans chaque pays il y eut de zélés collaborateurs des Nazis dans la chasse faite aux Juifs, collaboration qui alla de la dénonciation à l’action active au sein d’organisations policières ou militantes mais il y eut également de nombreuses personnes qui aidèrent les Juifs. Toutefois, si la situation des Juifs changeait de pays à pays, dans tous les pays qu’elle occupa, l’Allemagne nazie pu trouver une collaboration effective à sa politique de discrimination, persécution et déportation. Ce fut particulièrement vrai en Europe de l’Est où une tradition ancienne d’antisémitisme favorisa la collaboration à l’entreprise d’anéantissement du judaïsme européen. En effet, les Juifs d’Europe de l’Est eurent à souffrir beaucoup plus de la collaboration active d’une partie de la population. Les témoignages poignants sur la situation des Juifs en Pologne, et notamment l’extraordinaire témoignage de Calel Perechodnik, montrent à quel point une partie de la population polonaise se satisfaisait du sort fait aux Juifs.

De plus, les populations juives furent là exterminées sur place, au vu et au su de toute la population qui connaissait le sort réservé aux Juifs. Les Nazis furent même suppléés par des auxiliaires, notamment baltes et des mouvements antisémites locaux participèrent aux actions anti-juives comme la Garde de fer en Roumanie, les Croix fléchées en Hongrie.
Ailleurs en Europe, notamment occidentale, la population avait moins d’informations sur les détails de la « Solution finale ». Toutefois, il faut insister sur le fait que dans tous les pays d’Europe occupée, des individus sauvèrent des milliers de personnes au péril de leur vie en les cachant, les protégeant ou leur permettant de fuir. Des groupes d’aide et de résistance aidèrent également les populations juives à échapper aux massacres comme Zegota en Pologne, la résistance à Assisi en Italie ou encore Le groupe de Joop Westerweel’s aux Pays-Bas.

Que savaient les Alliés et les peuples du monde libre ? L’antisémitisme déclaré du régime nazi fut très tôt connu et compris aux Etats-Unis et en Europe. La presse s’en fit largement l’écho. Une fois la guerre déclarée et la « Solution Finale » engagée, les Nazis laissèrent circuler moins d’informations. Toutefois, moins d’un an après le début de la destruction systématique du judaïsme européen, des informations commencèrent à filtrer. Ainsi, le premier rapport qui parla clairement d’un plan méthodique de meurtre de masse des Juifs fut sorti en cachette
de Pologne par des militants du Bund (Parti socialiste des travailleurs juifs) et fut transporté en Angleterre au printemps 1942. A l’été 1942, le cablogramme de Gerhart Riegner représentant du Congrès juif mondial à Genève, envoyé aux gouvernements britannique et américain confirma le précédent rapport. De plus, les missives de Richard Lichtheim (1885-1963), délégué de l’Agence juive en Suisse auprès du Vatican et des différents gouvernements alliés informaient ceux-ci de l’évolution dramatique de la situation. Il fallut attendre la fin de l’année 1942 pour que la multiplication des confirmations mette fin aux derniers doutes. Le gouvernement américain confirma alors aux autorités juives américaines le contenu des différents rapports qui arrivaient de l’Est européen par l’intermédiaire des gouvernements en exil par exemple. Ainsi, Jan Karski, émissaire de la résistance polonaise, qui avait pu pénétrer dans le ghetto de Varsovie, rencontra les plus hautes autorités afin de prévenir de ce qui se déroulait. L’aviation britannique prit même des photos du camp d’extermination de Birkenau sur lesquelles les colonnes de fumée des crématoires étaient nettement visibles. Les puissances alliées adoptèrent
le 17 décembre 1942 une déclaration commune qui dénonçait le massacre des Juifs. La chambre des Communes observa une minute de silence en hommage aux victimes. De fait, la plupart des éléments de l’extermination des Juifs étaient connus des Alliés dès 1942.

Quelles furent les réponses des Alliés aux persécutions des Juifs ?

La réponse des Alliés aux persécutions et à la destruction des Juifs d’Europe ne fut jamais à la hauteur de la gravité des événements. Avant le déclenchement de la guerre, des dizaines de milliers de Juifs cherchèrent à fuir l’Allemagne nazie. Entre 1933 et 1937, 150 000 Juifs allemands quittent l’Allemagne, dont 20 000 à 30 000 gagnèrent la France qui, rapidement, ne voulut plus en accepter et 27 000 les Etats-Unis qui se retranchait alors derrière la politique des quotas nationaux. La Grande-Bretagne, fidèle au Livre blanc de 1939, n’entendait pas, quant à elle, ouvrir la Palestine à l’immigration juive qui lui attirerait l’hostilité arabe. La Conférence d’Evian, voulue par le président américain Roosevelt, qui se tint en 1938, avait pour but de trouver des pays d’accueil aux réfugiés
fuyant le nazisme. Les pays invités à Evian par les Etats-Unis et la Grande-Bretagne le furent sur l’idée qu’aucun d’entre eux n’auraient à modifier ses lois d’immigration. Ce fut donc un échec et malgré la création du CIR (Comité Intergouvernemental pour les Réfugiés), les Juifs désireux de quitter l’Allemagne et l’Europe furent abandonnés. Durant le conflit lui-même, une seule déclaration de condamnation des atrocités commises par les Nazis contre les Juifs fut faite par les Alliés le 17 décembre 1942.

La Conférence des Bermudes (avril 1943), convoquée par les Etats-Unis et la Grande-Bretagne avait pour but d’harmoniser les politiques alliées et de débattre de la question des réfugiés. Mais si les délégations exprimèrent leur compassion, elles ne prirent aucune décision concrète et n’assouplirent pas leurs politiques d’immigration. Cette conférence ne déboucha sur aucun accord quant au sauvetage éventuel des Juifs d’Europe et ne fit ainsi que confirmer l’abandon dans lequel ceux-ci étaient laissés. Face à cette indifférence, le dirigeant bundiste, membre du Conseil polonais en exil, Samuel Zygelbojm se suicida à Londres le 12 mai 1943 espérant, par son geste, alerter le monde libre. Ainsi, Etats-Unis et Grande-Bretagne ne furent jamais prêts à assumer les éventuelles conséquences migratoires d’un plan de sauvetage. En janvier 1944 fut créée le Comité des réfugiés de guerre (War Refugee Board) dont le but était de venir en aide aux victimes des persécutions nazies. Ses activités, financées en grande partie par des fonds privés de donateurs juifs américains, consistaient à envoyer des colis et à oeuvrer au sauvetage des gens si cela était possible. Des mesures concrètes auraient pu être prises comme le bombardement de centres de mise à mort connus des Alliés. Ainsi, ceux-ci refusèrent de bombarder le camp d’Auschwitz-Birkenau ni même les voies de chemin de fer qui y menaient. Ils connaissaient pourtant l’existence et l’emplacement du camp, notamment grâce à des photos aériennes prises par les avions de la Royal Air Force. Or, des usines proches des différents camps du complexe d’Auschwitz furent elles-mêmes bombardées. Rien ne fut jamais tenté pour un sauvetage spécifique des populations juives, rien ne fut fait contre les centres de mise à mort et la libération des camps ne fut jamais un objectif militaire. De fait, les Alliés n’entendaient pas consacrer d’efforts diplomatiques particuliers à la question juive ni lui allouer leurs ressources militaires, aussi bien humaines que logistiques.

Les Juifs réalisaient ils qu’ils étaient en train d’être exterminés ?

Les Nazis tentèrent de tenir secret les desseins de la « Solution Finale » et évitèrent d’en parler ouvertement.
Tout était fait pour tromper les victimes et donc, de prévenir et réduire les risques de résistance. A chaque convoi de déportation il était question de « déplacement de population », de « transfert à l’Est », que la situation à
l’Est serait meilleure que leur condition de vie dans les ghettos de Pologne ou encore qu’ils allaient travailler. Dès leur arrivée dans les camps certains détenus furent même obligés d’écrire à leurs familles ou amis en leur décrivant les bonnes conditions de vie dans lesquelles ils vivaient dorénavant. D’autre part, le fait que des hommes puissent concevoir et construire des infrastructures permettant le meurtre de masse à une échelle jamais atteinte jusque là était alors impensable et inconcevable. Ainsi, les rares personnes qui purent s’échapper de convois ou même de camps ne furent pas écoutées ou si peu. De plus, les communautés juives d’Europe étaient très isolées les unes par rapport aux autres et les informations circulaient très mal.

Combien de Juifs purent fuir l’Europe avant la Shoah ?

Il est particulièrement difficile de donner des chiffres exacts et l’on ne peut parler que d’estimations pour le nombre de Juifs qui purent fuir l’Europe avant le déclenchement des hostilités.
Ainsi, de 1933 à 1939, on
estime à plus de 350 000 le nombre de Juifs allemands et autrichiens qui quittèrent leurs pays, dont certains gagnèrent des pays qui furent ensuite occupés par les Nazis (la famille d’Anne Frank par exemple). Près de 20 000 de ceux-ci purent rejoindre Shangaï qui ne demandait pas de visa d’entrée. Durant cette même période, un peu plus de 80 000 Juifs polonais immigrèrent vers la Palestine et plus de 50 000 Juifs européens gagnèrent l’Amérique du Sud (Argentine, Brésil, Uruguay). En 1938-1939, 35 000 Juifs de Bohême-Moravie émigrèrent à leur tour après la mise en place du protectorat par les Nazis. Il est toutefois impossible d’établir des bilans migratoires exacts car beaucoup de pays ne peuvent fournir de statistiques précises sur l’appartenance communautaire ou religieuse éventuelle des migrants qu’ils accueillirent durant cette période. En 1940, 11 millions de Juifs européens se trouvaient sous la menace des Nazis.

Qui était concerné par la « Solution Finale » ?

Seuls les Juifs étaient concernés par la « Solution Finale », comme en témoigne d’ailleurs l’expression allemande employée par les Nazis : « Die Endlösung den Judenfrage », c’est à dire « la Solution finale de la question juive ».
Pour les Nazis, selon les définitions édictées le 14 novembre 1935 faisant suite aux lois raciales de Nuremberg du 15 septembre 1935 « pour la protection du sang et de l’honneur allemand », était considérée comme juive toute personne ayant au moins 3 grands-parents juifs ; ayant 2 grands-parents s’il appartenait à la religion juive ou bien était mariée à un (e) juif (ve) ou encore était issue d’un mariage ou d’une relation extramaritale entre un juif et un non-juif après le 15 septembre 1935.

En France, le gouvernement de Vichy définit l’appartenance à la « race juive » dans deux statuts. Le 1er est édicté le 3 octobre 1940 et affirme dans son article 1 qu’ « est regardée comme juif toute personne issue de trois grands-parents juifs ou de deux grands-parents de la même race si son conjoint lui-même est juif ». Le second statut du 2 juin 1941 modifie la définition en l’élargissant.
Ainsi, l’article 1 annonce qu’est regardé
comme Juif « Celui ou celle, appartenant ou non à une confession quelconque, qui est issu d’au moins trois grands-parents de race juive, ou de deux seulement si son conjoint est lui-même issu de deux grands-parents de race juive. Est regardé comme étant de race juive le grandparent ayant appartenu à la religion juive ».

L’article 2 aggrave la précédente disposition en ajoutant qu’ est regardé comme juif : celui ou celle qui appartient à la religion juive, ou y appartenait le 25 juin 1940, et qui est issu de deux grands-parents de race juive. La non-appartenance à la religion juive est établie par la preuve de l’adhésion à l’une des autres confessions reconnues par l’État avant la loi du 9 décembre 1905. Le désaveu ou l’annulation de la reconnaissance d’un enfant considéré comme Juif sont sans effet au regard des dispositions qui précèdent.

Les Juifs tentèrent de combattre les nazis ou bien de se défendre ?

Malgré les terribles conditions de survie que les Juifs devaient affronter dans l’Europe occupée, nombre d’entre eux s’engagèrent dans la lutte armée contre les Nazis. Il y eut différents types d’engagements et de luttes, notamment en fonction des personnalités de chacun de ces combattants mais aussi de la situation qu’ils étaient amenés à vivre.

Les Juifs militants de partis politiques s’engagèrent dans la lutte qui menaient leurs parti. Ce fut par exemple le cas, en France, des militants communistes des FTP-MOI (Francs-tireurs et partisans – Main d’oeuvre immigrée) qui tombèrent nombreux sous les balles allemandes. Ainsi, les jeunes Rayman, Wasjbrot, Elek, Fingerweig ou autres de l’Affiche rouge furent des résistants actifs à Paris dès 1942. De fait, les Juifs engagés dans des partis politiques agirent en fonction de la ligne politique fixée par la direction clandestine de ces partis.

Des groupes de partisans juifs furent actifs dans nombre de régions de l’Europe occupée, notamment à l’Est. Il en fut ainsi à Baranovichi, Minsk, la forêt de Naliboki et Vilnius. En France, entre l’automne 1943 et le printemps 1944, Robert Gamzon organise le maquis des EIF (Eclaireurs Israélites de France) qui eut une activité intense dans la clandestinité. Ceux-ci organisent un groupe de combat dans le Tarn qui prit le nom de Marc Haguenau, du nom du secrétaire général des EIF assassiné par la Gestapo en 1944. Un maquis de l’Armée juive, intégré au corps franc de la Montagne Noire fut baptisé « Peloton Trumpeldor ». Ces deux maquis combattirent ensemble pour la libération du Sud-Ouest de la France.

Ainsi, bien que ces groupes de résistants juifs dans l’Europe occupée n’eurent pas un rôle militaire toujours très significatif, ces actes de résistance contribuèrent au sauvetage d’un nombre important de Juifs, à causer des pertes, certes limitées mais réelles, aux Allemands qui en eurent parfois à souffrir dans leur amour propre. En effet, comment était-il possible pour ces derniers que des Juifs, ce peuple qu’ils considéraient comme un peuple d’esclaves, puisse combattre, leur causer des pertes et mourir les armes à la main ? C’est ainsi que les Nazis furent surpris par l’insurrection du ghetto de Varsovie qui débuta le 19 avril 1943 et dura 5 semaines. Il s’agit là du plus bel exemple de résistance armée juive. Cette révolte ne fut pas un acte isolé car nombre de ghettos se révoltèrent.

Enfin, la résistance des Juifs s’organisa également dans les lieux-mêmes destinés à leur destruction. En effet, des révoltes éclatèrent dans les centres de mise à mort de Treblinka (2 août 1943), Sobibor (14 octobre 1943) et de Birkenau (7 octobre 1944). A chaque fois, l’extermination cessa peu après dans chacun de ces centres. Des révoltes éclatèrent également au camp de Janowska (19 novembre 1943) près de Lvov et à Babi Yar (29 septembre 1943).

Qu’étaient les « Judenräte » (conseils juifs) ?

Etablis, le 21 septembre 1939, sur décision du chef de l’Office de Sécurité du Reich (RSHA) Reinhard Heydrich, les « Judenräte » étaient les conseils juifs désignés par les Nazis dans chaque ghetto ou communauté juive de la Pologne occupée. Dirigés par des notables de la communautés juive locale, ces conseils étaient non seulement chargés de l’administration des ghettos mais surtout de faire appliquer les décrets nazis concernant les Juifs. De ce fait, les Judenräte furent placés dans une situation très délicate du point de vue des populations dont ils étaient en charge. En effet, soumis à la pression des Nazis menaçant sans cesse de déporter ou de tuer des habitants des ghettos ou les familles mêmes des membres des Judenräte, ceux-ci se voyaient obligés d’accéder aux demandes des responsables allemands afin de tenter de sauver ce qu’ils pensaient alors pouvoir sauver.

Certains eurent des conduites controversées, à l’image de Mordechai Rumkowski à Lodz ou encore Jacob Gens à Vilno. Cette ambiguïté du rôle des Judenräte occasionna après-guerre des échanges restés fameux entre les philosophes Hannah Arendt et Gershom Sholem. En effet, dans le livre que la philosophe écrivit sur le procès Eichmann, elle accusait les Judenräte d’avoir été les collaborateurs des Nazis dans la destruction des Juifs d’Europe. De fait, il peut paraître légitime de penser aujourd’hui, sans nier les évidentes dérives et abus de pouvoirs qui existèrent, que de nombreux responsables de Judenräte cherchèrent, au coeur de la catastrophe, à oeuvrer de leur mieux afin de préserver le plus de vies possibles. Leur impuissance face à la machine de destruction nazie nous apparaît aujourd’hui criante mais fut également ressentie par nombre de membres de Judenräte. Ainsi, Hillel Seidmann, dans son témoignage, nous fait ressentir le poids du rouleau compresseur contre lequel rien ne paraît possible. De fait, le président du Judenrat de Varsovie, Adam Czerniakow, fut obligé de livrer aux Nazis, le 22 juillet 1942, 6000 Juifs à déporter par jour. A défaut, ceux-ci menaçaient d’assassiner immédiatement 100 otages, dont la propre femme de Czerniakow. Ce dernier, après avoir échoué à sauver les enfants des orphelinats, choisit le suicide. Dans la note qu’il laissa à sa femme, il expliquait qu’il ne pouvait « plus supporter tout cela plus longtemps », ajoutant que son « acte montrera à chacun que c’est la seule voie à suivre ». Ce même jour commencèrent les déportations massives des Juifs de Varsovie vers le centre de mise à mort de Treblinka.

Des organisations internationales telles que la Croix Rouge sont-elles venues en aide aux victimes des persécutions nazis ?

Durant toute la durée de la Seconde Guerre mondiale, la Croix Rouge vint peu en aide aux Juifs victimes des persécutions nazies. Entre septembre 1939 et l’été 1944 les actions de la Croix Rouge furent ainsi limitées.
Entre septembre 1939 et juin 1941, des colis de nourriture furent envoyés aux gens dans le besoin, par l’intermédiaire de la Croix Rouge allemande. Les populations enfermées dans les ghettos polonais n’eurent pas droit à ces colis, étant considérées par les Nazis, auxquels la Croix Rouge allemande obéissait, comme une menace pour la sécurité du Reich.

Quand fut enclenchée la « Solution Finale », la Croix Rouge n’intervint pas plus. Elle tenta de continuer à envoyer des colis mais n’émit aucune protestation officielle contre l’enfermement et la destruction des Juifs d’Europe. Elle fut pourtant interpellée, en tant qu’organisation caritative non gouvernementale, par les organisations juives, notamment américaines. Celles-ci se virent répondre que la Croix Rouge ne pouvait intervenir ni émettre de protestations à leur demande car cela risquait de provoquer une détérioration des conditions d’existence des populations juives d’Europe. C’est seulement à partir de l’été 1944 que la Croix Rouge lança un appel au maréchal Horthy, régent de Hongrie, afin que celui-ci stoppât la déportation des Juifs hongrois déjà bien avancée. Elle suivit en cela les protestations déjà émises par le président américain F.D.Roosevelt et par le roi de Suède Gustav V, lequel avait écrit personnellement à Horthy. Peu de temps auparavant, la Croix Rouge avait obtenu l’autorisation de visiter le camp de Theresienstadt (Terezin) en Bohême. C’est à la suite de l’arrivée dans ce camp de Juifs du Danemark le 5 octobre 1943 que la Croix Rouge de ce pays et l’antenne suédoise s’inquiétèrent du sort de ces personnes déportées. Les Nazis décidèrent donc d’accéder à leur demande de visite sans toutefois leur offrir à voir la réalité. En effet, sous la direction du commandant du camp, le colonel SS Karl Rahm, un embellissement fut décidé et plus de 7500 Juifs furent déportés afin de cacher la surpopulation, dont des centaines d’orphelins et malades que la Croix Rouge ne devait pas voir. Ainsi, le jour de la visite, neuf mois après la première demande, le 23 juin 1944, les Nazis étaient fin prêts et les délégués de la Croix Rouge purent apprécier le travail des boulangers, les étalages de légumes frais ou encore les joyeux travailleurs. Un spectacle fut même offert à la délégation. Cette dernière fit donc un rapport qui provoqua les protestations des organisations juives. Dans les semaines qui suivirent, les détenus de Theresienstatdt furent déportés en famille et assassinés à Auschwitz-Birkenau.

Que furent les procès de Nuremberg ?

Il n’y eut pas, après la guerre, un procès de Nuremberg mais deux séries de procès qui jugèrent les criminels nazis. Le Tribunal de Nuremberg fut créé le 8 août 1945 par l’Accord quadripartite de Londres (Royaume-Uni, URSS, Etats-Unis et France). La première série de procès s’ouvrit le 20 novembre 1945 et dura jusqu’au 1er octobre 1946. Il se tint devant le Tribunal Militaire International composé de représentants français, britanniques, soviétiques et américains. Furent alors jugés 22 responsables du parti nazi, de l’armée et de l’Etat qui avaient pu être capturés par les Alliés.

Ces hommes devaient répondre de quatre chefs d’accusation : « plan concerté et complot » ; « crimes contre la paix », c’est-à-dire avoir décidé, préparé, organisé la guerre ; « crimes de guerre » c’est-à-dire avoir violé les règles de la guerre, en ayant par exemple exécuté des prisonniers de guerre, en n’ayant pas respecté les Conventions de Genève ; « crimes contre l’humanité » c’est-à-dire avoir organisé la déportation et le massacre systématique de populations désarmées, en particulier dans les camps de concentration et d’extermination. Douze des accusés furent condamnés à mort le 1er octobre 1946, dont Martin Bormann condamné par contumace, et Hermann Goering qui se suicida dans sa cellule le 15 octobre. Les dix autres condamnés furent pendus le 16 octobre. Il s’agissait de Hans Frank, Wilhelm Frick, Alfred Jodl, Ernst Kaltenbrunner, Wilhelm Keitel, Alfred Rosenberg, Fritz Sauckel, Arthur Seyss-Inquart, Julius Streicher, Joachim von Ribbentrop.

Les autres condamnations furent les suivantes :
– Karl Doenitz : 10 ans
– Hans Fritzsche : acquitté
– Walter Funk : prison à vie
– Rudolf Hess : prison à vie, se suicida en 1987 à 92 ans.
– Erich Raeder : prison à vie
– Hjalmar Schacht : acquitté
– Albert Speer : 20 ans
– Konstantin Von Neurath : 15 ans
– Franz von Papen : acquitté
– Baldur von Schirach : 20 ans

Furent également jugées 4 organisations déclarées criminelles : le NSDAP (le parti nazi), la SS, le SD (le service de sécurité du Reich) et la Gestapo.

La seconde série de procès, 11 au total, fut instruite entre le 9 décembre 1946 et le 13 avril 1949, devant le Tribunal Militaire de Nuremberg, établi par la Bureau du Gouvernement des Etats-Unis pour l’Allemagne. Les juges étaient américains mais le tribunal se considéra comme international. Cent quatre-vingt-cinq personnes environ furent inculpées, parmi lesquelles des médecins qui se livrèrent à des expériences médicales dans les camps de concentration, sur la personne de détenus et de prisonniers de guerre ; des juges qui commirent des meurtres et
autres crimes sous les apparences d’une procédure judiciaire ; des industriels qui prirent part au pillage des pays occupés et au programme de travail forcé ; des officiers supérieurs SS ayant dirigé des camps de concentration, fait appliquer les lois raciales des nazis et mis en oeuvre l’extermination des juifs et d’autres groupes dans les territoires de l’Europe de l’Est ; enfin, des hauts fonctionnaires civils et militaires qui prirent part à la politique du IIIème Reich. Un certain nombre de médecins et de dirigeants SS furent condamnés à la mort par pendaison.
Cent vingt personnes furent condamnées à des peines de prison et trente cinq accusés furent acquittés.

Qui furent les criminels Nazis et combien furent-ils ? Combien furent jugés ?

Nous ne connaissons pas le nombre exact de criminels nazis ni le nombre de soldats, policiers ou auxiliaires qui participèrent à l’assassinat et aux exécutions de centaines de milliers de personnes. En effet, afin de ne pas laisser de traces, les Nazis eux-mêmes détruisirent un grand nombre de documents et beaucoup de responsables ou d’exécutants ne furent jamais identifiés. Parmi ces criminels nous pouvons évidemment inclure ceux qui participèrent directement aux massacres. Ainsi, les SS des Einsatzgruppen, les policiers des bataillons de l’Ordnungpolizei (Police du maintien de l’ordre), les gardiens SS des centres de mise à mort, les forces armées qui assistèrent, voire participèrent aux massacres en Pologne et en URSS. A ceux-là, il convient d’ajouter les individus qui planifièrent, dirigèrent ou supervisèrent ces opérations de tuerie : les chefs du Parti nazi, de l’Etat nazi ou de la Sécurité du Reich qui initièrent la « Solution finale » et les massacres. De fait, il y eut des milliers d’acteurs de la « Solution finale » sans oublier les collaborateurs zélés des Nazis qui leur prêtèrent main forte.

Après le jugement rendu par le Tribunal Militaire de Nuremberg qui condamna les principaux dirigeants nazis qui avaient pu être capturés (20 novembre 1945-1er octobre 1946), les Alliés continuèrent à juger les criminels nazis au sein des tribunaux de chaque zone d’occupation. Ainsi, entre 1945 et 1949, 5025 criminels nazis furent condamnés par les tribunaux américains, anglais et français en Allemagne. A ces condamnés, il faut ajouter ceux qui furent jugés par les Soviétiques et dont le nombre nous est inconnu.

De plus, des jugements furent rendus, d’après les listes dressées par la Commission des Nations Unies pour les Crimes de Guerre, par les tribunaux des pays alliés mais aussi par ceux des pays qui furent administrés par les Nazis durant la guerre. Au total, près de 80 000 Allemands furent convaincus de crimes contre l’humanité ainsi que plusieurs dizaines de milliers de collaborateurs locaux. Ainsi, la Pologne jugea 40 000 personnes environ, dont en 1947, le commandant du camp d’Auschwitz, Rudolf Hoess, qui fut condamné à mort et exécuté à Auschwitz même. L’Allemagne, quant à elle, débuta les procès dès 1945 et en 1969, près de 80 000 Allemands avaient fait l’objet d’une enquête et plus de 6 000 avaient été condamnés. Ainsi, les gardiens SS du camp d’Auschwitz furent-ils jugés à Francfort en 1963. En 1958, la République fédérale d’Allemagne créa une agence spéciale à Ludwigsburg dont le rôle était d’enquêter sur les crimes commis par des Allemands en dehors de l’Allemagne. Cette agence fut à l’origine de centaines d’enquêtes importantes (1200 entre 1958 et 1985). Toutefois, les jugements rendus par les tribunaux allemands furent parfois sujets à polémiques du fait de la clémence de certains verdicts au regard des crimes commis.

L’Etat d’Israël organisa, quant à lui, l’enlèvement et le jugement de l’un des principaux dirigeants de la « Solution finale », Adolf Eichmann, caché en Argentine sous une fausse identité. Il fut jugé en 1961 à Jérusalem, condamné à mort et exécuté. Enfin, des individus et des organismes non gouvernementaux ont oeuvré à la découverte et à la capture de nombreux criminels nazis qui avaient réussi à fuir la justice. Ainsi, les époux Serge et Beate Klarsfeld furent à l’origine de l’arrestation d’anciens criminels nazis tels que Kurt Lischka, Herbert Hagen, Ernst Heinrichsohn au début des années 1970 ou encore Klaus Barbie en 1987, entre autres. De même, le centre Simon Wiesenthal aida par ses activités à la capture d’environ un millier de criminels nazis. Des milliers de criminels nazis échappèrent toutefois à la justice, soit qu’ils furent tués avant d’être jugés, soit qu’ils disparurent sans laisser de traces, se dissimulant ou non sous une fausse identité en Amérique du Sud, en Allemagne et même aux Etats-Unis. Ainsi, le SS Alois Brunner, commandant du camp de Drancy et responsable, entre autres, de la déportation des Juifs de France, fut jugé par contumace en France en 2001 et condamné à la prison à perpétuité. Le centre Simon Wiesenthal l’avait alors localisé en Syrie.

Qui sont les « Justes parmi les nations » ?

« Les Justes parmi les nations » sont les non-Juifs qui aidèrent les Juifs durant la Shoah. Ces personnes choisirent de sauver des Juifs, parfois en risquant leur propre vie et celle de leur famille. Alors que la majorité des Européens gardèrent le silence sans intervenir et que quelques-uns collaborèrent avec les Nazis, quelques personnes choisirent de tendre la main à des Juifs en détresse. Il y eut des « Justes parmi les nations » dans chaque pays où les Juifs furent menacés. L’Etat d’Israël (créé en 1948) et Yad Vashem, le mémorial national de la Shoah en Israël, créèrent, dans le cadre d’un projet créé par une loi de 1963, une distinction particulière données aux personnes ayant porté secours à des Juifs menacés par le nazisme. Un hommage leur est également rendu. Chaque cas présenté à Yad Vashem par des rescapés ayant été sauvé par des non-Juifs est scrupuleusement étudié avant que ne soit accordé la distinction de « Juste parmi les nations ». Ce titre n’est décerné que sur la foi de témoignages des personnes sauvées ou de témoins oculaires et de documents fiables.

Aujourd’hui, l’Institut Yad Vashem a décoré de la médaille des Justes plus de 20 000 personnes (20757 justes au 1er janvier 2005). Les personnes reconnues comme telles reçoivent la médaille des Justes et un certificat honorifique (remis au plus proche parent en cas de reconnaissance posthume). Leurs noms sont inscrits sur le Mur
d’honneur du Jardin des Justes à Yad Vashem. C’est la distinction suprême décernée à des non-Juifs par l’Etat d’Israël, au nom du peuple juif. Deux communes européennes ont été faites Justes parmi les nations : Chambon-sur-Lignon en Haute-Loire et Niewlande (Pays-Bas). La Pologne est le pays qui compte le plus de Justes, les Pays-Bas étant celui qui en compte le plus en proportion de la population totale.

Ce total de 20 757 personnes prend en compte les personnes ayant sauvé des Juifs. Il est sûrement loin de la réalité car beaucoup ne se sont jamais fait connaître ou ne furent jamais révélés du fait de la disparition de ceux
qui avaient été aidés. Selon le gouvernement israélien, les critères de reconnaissance d’un Juste sont les suivants: Avoir apporté une aide dans des situations où les juifs étaient impuissants et menacés de mort ou de déportation vers les camps de concentration. Le sauveteur était conscient du fait qu’en apportant cette aide, il risquait sa vie, sa sécurité et sa liberté personnelle (les nazis considéraient l’assistance aux Juifs comme un délit majeur). Le sauveteur n’a exigé aucune récompense ou compensation matérielle en contrepartie de l’aide apportée, Le sauvetage ou l’aide est confirmé par les personnes sauvées ou attesté par des témoins directs et, lorsque c’est possible, par des documents d’archives authentiques. L’aide apportée aux Juifs par des non-Juifs a revêtu des formes très diverses ; elles peuvent être regroupées comme suit: Héberger un juif chez soi, ou dans des institutions laïques ou religieuses, à l’abri du monde extérieur et de façon invisible pour le public. Aider un juif à se faire passer pour un non-Juif en lui procurant des faux papiers d’identité ou des certificats de baptême (délivrés par le clergé afin d’obtenir des papiers authentiques). Aider les Juifs à gagner un lieu sûr ou à traverser une frontière vers un pays plus en sécurité, notamment accompagner des adultes et des enfants dans des périples
clandestins dans des territoires occupés et aménager le passage des frontières. Adoption temporaire d’enfants juifs (pour la durée de la guerre). On ignore le nombre exact de Juifs sauvés grâce à l’aide de non-Juifs, mais il s’agit de plusieurs dizaines de milliers. En France, le nombre de Justes honorés est de 2500 environ.

Comment furent traités les Juifs par les alliés de l’Allemagne ?

Les Italiens et les Japonais, bien qu’alliés de l’Allemagne, ne participèrent pas à la « Solution Finale ». Le régime fasciste italien mit en place des lois antisémites à partir du 3 août 1938 sur l’insistance des Allemands. Toutefois, le gouvernement de Mussolini refusa et de participer à la « Solution Finale », et de déporter les Juifs italiens. De plus, dans les zones géographiques qu’ils occupèrent, en France, Grèce et Yougoslavie, les Italiens protégèrent les Juifs et évitèrent qu’ils fussent déportés. Ainsi, à la suite de l’occupation de la zone Sud de la France par les Allemands et les Italiens le 11 novembre 1942, la législation antisémite voulue par les Nazis est contestée par le Consul Général d’Italie M. Calisse qui administre alors une partie importante du Sud-Est (Nice, la Savoie entre autres) ; celui-ci refuse que soit apposé sur la carte d’identité la mention « JUIF ». De même, aucun des quelques dizaines de Juifs recensés en Corse, occupée par les Italiens à partir de novembre 1942, ne furent déportés. Toutefois, dès la chute de Mussolini en septembre 1943 et l’avènement du gouvernement Badoglio, les Allemands s’emparèrent de l’Italie afin d’éviter que son territoire ne tombât aux mains des alliés dans le cadre d’une paix séparée. Les Juifs italiens et ceux qui étaient jusqu’alors sous protection italienne, furent soumis aux menaces des
déportations qui commencèrent. Près de 8000 Juifs italiens, soit près de 20 % de la population juive du pays, disparurent déportés à Auschwitz ou assassinés dans des massacres tel celui, en mars 1944, des Fosse Ardeatine à Rome durant lequel les Nazis assassinèrent 335 personnes dont 75 Juifs.

Les autorités japonaises furent elles aussi tolérantes à l’égard des Juifs jusqu’en 1941 au Japon, jusqu’en 1943 dans les territoires qu’elles occupèrent. Elles refusèrent ainsi de prendre contre eux des mesures, comme le leur demandaient les Nazis. Ainsi, des Juifs purent trouver refuge au Japon jusqu’au printemps 1941 et les Juifs qui se trouvaient en Chine sous occupation japonaise furent bien traités. Toutefois, à partir de l’été 1941, les réfugiés juifs du Japon furent transférés à Shanghai sans qu’aucune mesure ne soit prise contre eux jusqu’au 18 février 1943 quand les réfugiés qui étaient arrivés après 1937 se virent obligés de gagner le ghetto de Hongkou. Il s’agissait en fait d’un quartier d’une quinzaine de pâtés de maisons vite surpeuplés de gens originaires d’Allemagne, d’Autriche, de Tchécoslovaquie et de Hongrie. Plusieurs centaines de réfugiés périrent de malnutrition et de maladies sans que toutefois les conditions de vie furent comparables aux ghettos européens sous contrôle allemand. Un officier nazi vînt même visiter le ghetto afin de préparer l’élimination des Juifs de Shanghaï mais le plan ne fut pas suivi par les Japonais. Le ghetto fut libéré le 3 septembre 1945.

Comment furent traités les gens d’origine juive qui n’étaient pas classifiés comme Juifs ?

Les Nazis distinguèrent les Allemands juifs des Allemands d’origine juive, c’est à dire, selon eux, qui avaient « du sang juif ». D’après les définitions édictées le 14 novembre 1935, était ainsi considérée comme juive à part entière toute personne issue de trois grands parents juifs au moins, ayant 2 grands-parents s’il appartenait à la religion juive ou bien était mariée à un (e) juif (ve) ou encore était issue d’un mariage ou d’une relation extra-maritale entre un juif et un non-juif après le 15 septembre 1935. Les personnes qui avaient des origines juives, étaient classés en deux catégories de « Mischlinge », c’est à dire métisse: Les « Mischlinge » du premier degré étaient issus de deux grands-parents juifs; Les « Mischlinge » du second degré étaient issus d’un grand-parent juif. Les « Mischlinge » n’avaient pas le droit d’adhérer au parti nazi et à toutes les organisations nazies (SA, SS, etc.). En 1940, les « Mischlinge » du premier degré furent expulsés de l’armée. L’ordre d’expulsion fut renouvelé chaque année. Les « Mischlinge » » du second degré, avec seulement un grand parent juif, étaient autorisés à rester dans l’armée mais ne pouvaient pas devenir officiers. Ils étaient également interdits de service civil et de certaines professions. Les Nazis imaginèrent un plan pour stériliser les « Mischlinge » dans le but de sauvergarder « la pureté de la race aryenne », mais rien ne fut finalement entrepris. Durant le conflit mondial, les « Mischlinge » du premier degré qui avaient été incarcérés dans des camps de concentration furent envoyés dans les centres de mise à mort.

Qu’est-ce que le négationnisme ?

Le négationnisme est le fait de contester la réalité de la Shoah, de nier la réalité du génocide des Juifs durant la Seconde Guerre mondiale. Cette contestation s’attaque à l’ampleur du génocide, aux modalités, à la volonté des Nazis de le commettre. Les négationnistes partent d’une hypothèse de départ qui, en fait n’en est pas une. En effet, leur idée est de démontrer que le génocide des Juifs n’a pas existé. Ils partent donc de cette idée considérée comme acquise et font alors tout afin de conclure qu’ils ont raison. Les techniques employés par les négationnistes sont diverses . Par exemple, cela peut être la recherche obsessionnelle de « preuves » considérées alors comme décisives permettant de disqualifier les témoignages et les documents considérés par eux comme gênants. De fait, tout est étudié en cherchant la disqualification systématique sur un détail d’un témoignage ou d’un document. De même, toutes les sources sont sujettes à caution et tout n’est, selon eux, que manipulation : aveux des dignitaires nazis ou des SS lors des différents procès, témoignages, documents, listes de déportation, statistiques sur les communautés juives disparues. Les témoignages et écrits des exécutants de la « Solution Finale » sont minimisés : il en est ainsi des discours de Himmler dans lesquels celui-ci parle « d’extermination du peuple juif ». d’autres discours ou témoignages sont interprétés dans un sens qui correspond forcément à l’idée de départ. Ainsi, les termes employés par les Nazis afin de dissimuler le génocide qui sont connus des historiens pour être un langage volontairement codé, sont pris au sens littéral ( « évacuation », par exemple, qui désigne en réalité liquidation). De manière systématique, les négationnistes font des chambres à gaz des locaux d’épouillage et de désinfection, les fours crématoires servant à brûler les cadavres des victimes du typhus ou autres maladies. L’argumentation technique sert alors de base aux négationnistes qui essaient de démontrer en faisant appel à des « experts » autodésignés que le meurtre de masse par les gaz est techniquement impossible. Enfin, le contexte d’ensemble est entièrement ignoré. Les actions des Einsatzgruppen ou encore le programme T4 d’élimination des asociaux qui précéda la Shoah sont oubliés. Les négationnistes sont obsédés par les idées de complot, d’escroquerie et de falsification à l’échelle mondiale qu’ils seraient les seuls à voir et analysent tous les documents au regard de ces obsessions. Les tenants de ces discours, d’abord appelés « révisionnistes », sont désignés aujourd’hui sous le terme négationnistes. En effet, ils avaient eux-mêmes choisi le premier terme de « révisionnistes » prétendant ainsi s’inscrire dans un démarche historique.

De fait, l’histoire écrite par les historiens est sans cesse révisée par des analyses et des problématiques renouvelées au regard de nouvelles sources éventuelles ou de nouvelles recherches lesquelles utilisent les règles du métier d’historien et de la critique historique. Or, les négationnistes n’emploient pas ces règles qui ne sont pas seulement celles de la critique littéraire ou de la discussion technique d' »experts ». Les écrivains négationnistes ignorent le métier d’historien puisque leurs propos s’appuient sur des falsifications et des mensonges. C’est l’historien Henry Rousso qui, en 1987, décida de mettre un terme à l’ambiguïté de l’emploi du terme révisionnisme : « Le grand public découvre [en 1978] le milieu interlope des “révisionnistes”, un qualificatif qu’ils s’attribuent impunément : le révisionnisme de l’histoire étant une démarche classique chez les scientifiques, on préférera ici le barbarisme, moins élégant mais plus approprié, de “négationnisme”, car il s’agit bien d’un système de pensée, d’une idéologie et non d’une démarche scientifique ou même simplement critique.

Selon Pierre Vidal-Naquet , le discours des négationnistes s’appuie sur 6 points:
1. Il n’y a pas eu de génocide et l’instrument qui le symbolise, les chambres à gaz, n’a jamais existé.
2. La « Solution finale » ne fut jamais que l’expulsion des Juifs en direction de l’Est européen.
3. Le chiffre des victimes juives du nazisme est beaucoup plus faible qu’on ne l’a dit, éliminant de fait tout génocide ou tentative de génocide de la part de l’Allemagne nazie.
4. L’Allemagne hitlérienne ne porte pas la responsabilité majeure de la Seconde Guerre mondiale. Elle partage cette responsabilité, par exemple, avec les Juifs, ou même elle n’a pas de responsabilité du tout.
5. L’ennemi majeur du genre humain pendant les années trente et quarante n’est pas l’Allemagne nazie, mais l’URSS de Staline et le bolchevisme.
6. Le génocide est une invention de la propagande alliée, principalement juive, et tout particulièrement sioniste, que l’on peut expliquer aisément par une propension des Juifs à donner des chiffres imaginaires, mais
aussi par leur volonté d’en tirer un profit financier.

De fait, ce genre de propos cache un discours idéologique. L’antisémitisme se cache derrière un discours antisioniste obsessionnel qui refuse l’idée que les Juifs aient été victimes. Ceux-ci auraient donc instrumentalisé un mensonge afin de parvenir à leurs fins. Le souhait des négationnistes est de faire disparaître la singularité liéeau génocide. Il s’agit donc de banaliser, voire pour certains de réhabiliter le régime nazi ayant commis le génocide.

Quel était le soutien populaire à l’antisémitisme nazi et à l’extermination ?

Il est évident que l’ensemble de la population allemande ne soutint pas Hitler dans sa politique de persécution des Juifs. Mais, de fait, il n’y a pas d’exemple connu d’une protestation élargie face à la manière dont ceux-ci furent traités. Il nous faut tout de même prendre en compte le poids de la terreur mise en place par les Nazis, lesquels menaçaient tous ceux qui manifestaient ouvertement leurs critiques à l’égard du régime. Il y eut toutefois des Allemands qui refusèrent le boycott du 1er avril 1933 et achetèrent dans les magasins juifs. D’autres, dont le nombre fut réduit, aidèrent des Juifs à se cacher et à échapper aux arrestations. Certains qui s’opposèrent à Hitler et aux Nazis ne trouvèrent rien à redire aux persécutions anti-juives. Des voix du clergé s’élevèrent pour protester contre le sort réservé aux Juifs, mais rien ne fut comparable au discours prononcé en chaire par l’évêque de Münster, Mgr Von Galen, lequel s’indigna du sort réservé aux asociaux et handicapés dans le cadre du programme T4. Ainsi, le prévôt de la cathédrale de Berlin, Bernhard Lichtenberg priait publiquement et quotidiennement pour les Juifs. Il fut envoyé dans un camp de concentration. D’autres hommes d’Eglise furent internés pour avoir critiqué ou refusé de collaborer avec la politique antisémite nazie, mais la majorité du clergé allemand se soumit aux directives anti-juives et ne protesta pas publiquement, à l’image de la population allemande.

Quelles furent les premières mesures prises par les Nazis contre les Juifs ?

Les premières mesures prises par les Nazis à l’encontre des Juifs intervinrent en avril 1933 :

– 1er avril 1933 : boycott des magasins et commerces juifs par les Nazis
– 7 avril 1933 : la loi rétablissant le Service civil excluait les non-Aryens (définis par le 11 avril 1933 comme personne ayant un parent ou un grand-parent juif). Il y eut initialement des exceptions pour ceux ayant combattu pendant la Première Guerre mondiale et ceux qui avaient perdu un père ou un fils au combat pour l’Allemagne ou ses alliés durant cette Première Guerre mondiale.
– 7 avril 1933 : la loi portant sur l’admission aux professions de loi interdit l’admission des avocats non-Aryens au barreau. Elle interdisait également aux non-Aryens membres du barreau le droit de pratiquer. Des décisions similaires furent prises pour les assesseurs, les jurés et les juges de commerce.
– 22 avril 1933 : Le décret concernant les services des médecins au regard du plan de santé national interdisait le remboursement des dépenses aux patients qui consultaient un médecin non-aryen, à l’exception des médecins juifs vétérans de guerre ou ayant eut à souffrir de la guerre.
– 25 avril 1933 : la loi sur la surpopulation des écoles allemandes imposa aux étudiants juifs un numerus clausus dans les établissements secondaires à hauteur de 1,5% du corps étudiant. Dans les endroits où les Juifs représentaient plus de 5% de la population, ils purent constituer plus de 5% du corps étudiant. Comme pour les autres mesures, il exista des exceptions initiales pour les enfants de vétérans juifs de la guerre. Dans le cadre de cette loi, un étudiant était considéré comme juif s’il avait deux parents non-aryens.

Elles furent suivies par d’autres tout au long de la dictature nazie.

Quelles furent les principales lois antisémites appliquées en France durant l’Occupation ?

Dates législation française législation allemande
– 22 juillet 1940 :
Décret-loi de Vichy portant sur la révision des naturalisations. Révision de toutes les acquisitions de nationalité française intervenues depuis la promulgation de la loi du 10 août 1927 sur la nationalité. Les Juifs n’étaient pas nommés dans cette loi mais plus de 7000 furent ainsi dénaturalisés.
– 27 septembre 1940 :
1ère ordonnance allemande prescrivant, en zone 1940 occupée, le recensement des Juifs jusqu’au 20 octobre 1940 et désignant les « entreprises juives ».
– 3 octobre 1940 :
Loi portant statut des Juifs. Les Juifs sont exclus de tout poste dans la fonction
publique, dans la presse et dans le cinéma. Elle prévoit l’exclusion des Juifs des
professions libérales. La loi s’appuie sur la notion de race juive.
– 4 octobre 1940 :
Les préfets ont le pouvoir d’interner « les étrangers de race juive » dans des camps spéciaux.
– 7 octobre 1940 :
Abrogation du « décret Crémieux » du 24 octobre 1870, accordant la nationalité française aux Juifs d’Algérie.
Obligation faite aux Juifs de faire tamponner leur carte d’identité d’une
mention « Juif » ou « Juive ».
– 18 octobre 1940 :
2ème ordonnance allemande imposant le recensement de toutes les
entreprises juives et la désignation de commissaires-gérants.
– 29 mars 1941 :
Création du Commissariat Général aux Questions Juives (CGQJ), responsable de l’aryanisation économique et de l’élaboration de la législation anti-juive.
– 26 avril 1941 :
3ème ordonnance allemande : nouvelle définition du Juif, interdiction d’exercer certaines activités économiques et d’employer des Juifs.
– 28 mai 1941 :
4ème ordonnance allemande sur l’interdiction de circulation des capitaux et des marchandises dans les entreprises juives.
– 2 juin 1941 :
2ème statut des Juifs qui achève d’éliminer les Juifs de France de toutes la fonction publique, des professions libérales, commerciales, industrielles et artisanales, de la presse et du secteur tertiaire. Des sanctions sévères sont prévues pour les contrevenants.
Loi portant
sur le recensement obligatoire des personnes juives au regard de la loi du second statut des Juifs.
– 21 juin 1941 :
Loi qui limite à 3 % le pourcentage d’étudiants juifs dans l’enseignement supérieur.
– 16 juillet 1941 :
Décret réglementant la profession d’avocat : les Juifs ne doivent pas dépasser 2 % de l’effectif total.
– 22 juillet 1941 :
Loi relative aux entreprises, biens et valeurs appartenant aux Juifs. Nomination d’administrateurs provisoires
pour les entreprises juives.
– 11 août 1941 :
Décret réglementant la profession de médecins : numerus clausus de 2%.
– 13 août 1941 :
Ordonnance allemande portant confiscation des postes de TSF appartenant aux Juifs.
– 28 septembre 1941 :
5ème ordonnance allemande relative aux mesures contre les Juifs.
– 19 octobre 1941 :
Création de la police aux Questions juives chargée de collaborer avec le CGQJ dont elle reçoit les directives dans la recherche des infractions à la loi du 2 juin 1941 commises par les Juifs et de renseigner les autres services de police sur les activités suspectes des Juifs.
– 24 septembre 1941 :
Décret réglementant la profession d’architecte : numerus clausus de 2%.
– 17 novembre 1941 :
Loi qui interdit aux Juifs les professions de la banque, de la finance, du commerce, de la presse et de l’édition, du spectacle.
– 29 novembre 1941 :
Loi instituant une Union Générale des Israélites de France (UGIF), regroupant par force toutes les oeuvres juives, à l’exception des organisations cultuelles.
– 17 décembre 1941 :
Une amende d’un milliard de francs est imposée aux Juifs de la zone occupée, versée aux autorités allemandes par l’UGIF.
– 26 décembre 1941 :
Décrets réglementant les professions de pharmacien et de sage-femme : numerus clausus de 2% de Juifs.
– 7 février 1942 :
6ème ordonnance allemande : couvre-feu pour les Juifs de la zone occupée entre 20h et
6h du matin.  :nterdiction de changer de résidence.
– 24 mars 1942 :
7ème ordonnance allemande : nouvelle définition du Juif.
– 29 mai 1942 :
8ème ordonnance allemande : port obligatoire de l’étoile jaune à partir de 6 ans, en zone occupée. Ordonnance entrant en vigueur le 7 juin 1942.
– 5 juin 1942 :
Numerus clausus de 2% de Juifs dans la profession de dentiste.
– 6 juin 1942 :
Interdiction faite aux Juifs de tenir un emploi artistique dans les pièces de théâtre, les films ou les autres spectacles.
– 10 juin 1942 :
Instructions allemandes obligeant les Juifs parisiens à voyager uniquement dans le dernier wagon du métro.
– 1er juillet 1942 :
Le téléphone est interdit aux Juifs.
– 8 juillet 1942 :
9ème ordonnance allemande : interdiction faite aux Juifs de fréquenter les établissements de spectacle et autres établissements ouverts au public, d’entrer dans les magasins, d’y fairedes achats sauf entre 15h et 16h.
– 13 juillet 1942 :
Publication de la liste des lieux publics interdits aux Juifs : restaurants, cafés et bars, théâtres, cinéma, concerts, music-halls, cabines téléphoniques publiques, marchés et foires, piscines et plages, musées, bibliothèques, expositions publiques, monuments historiques, manifestations sportives, champs de courses, campings, parcs.
– 9 novembre 1942 :
Interdiction faite aux Juifs étrangers de sortir du territoire de la commune où ils résident sans sauf-conduit délivré par la police.
– 11 décembre 1942 :
Loi relative à l’apposition de la mention « juif » sur les titres d’identité et d’alimentation des Israélites français et étrangers.

Qui était concerné par les « Lois portant statut des Juifs » édictées par l’Etat français ?
Qui était concerné par les mesures antisémites
allemandes ?

En France, le gouvernement de Vichy définit l’appartenance à la « race juive » dans deux statuts.
Le premier statut est édicté le 3 octobre 1940 et affirme dans son article 1 qu’ « est regardée comme juif toute personne issue de trois grand-parents juifs ou de deux grands-parents de la même race si son conjoint lui-même est juif ».
Le second statut du 2 juin 1941 modifie la définition
en l’élargissant. Ainsi, l’article 1 annonce qu’est regardé comme Juif « Celui ou celle, appartenant ou non à une confession quelconque, qui est issu d’au moins trois grands-parents de race juive, ou de deux seulement si son conjoint est lui-même issu de deux grands-parents de race juive.
Est regardé comme étant de race juive le grand-parent ayant appartenu à la religion juive ». L’article 2 aggrave la précédente disposition en ajoutant qu’ « est regardé comme juif : celui ou celle qui appartient à la religion juive, ou y appartenait le 25 juin 1940, et qui est issu de deux grand-parents de race juive. La non-appartenance à la religion juive est établie par la preuve de l’adhésion à l’une des autres confessions reconnues par l’État avant la loi du 9 décembre 1905. Le désaveu ou l’annulation de la reconnaissance d’un enfant considéré comme Juif sont sans effet au regard des dispositions qui précèdent. »
La 1ère ordonnance allemande du 27 septembre 1940, dans son article 1, reconnaît comme juifs « ceux qui appartiennent ou appartenaient à la religion juive, ou qui ont plus de deux grands-parents juifs. Sont considérés comme juifs les grands-parents qui appartiennent ou appartenaient à la religion juive ».
Ainsi, la loi de Vichy proclame la notion de race juive alors que l’ordonnance allemande ne fait référence qu’à la religion juive.
La 3ème ordonnance allemande du 26 avril 1941 révise la définition précédente et dans son article 1 affirme qu’ « est considérée comme juive toute personne qui a au moins trois grands-parents de pure race juive.
Est considéré « ipso jure » comme de pure race juive un grand-parent ayant appartenu à la communauté religieuse juive.
Est considérée également
comme juive toute personne issue de deux grands-parents de pure race juive et qui,
a- au moment de la publication de la présente ordonnance, appartient à la communauté religieuse juive ou y entre ultérieurement ;
b- au moment de la publication de la présente ordonnance, a été mariée avec un Juif ou qui épouse ultérieurement un Juif.
En cas de doute, est considéré comme juive toute personne qui appartient ou a appartenu à la communauté religieuse juive. »
La 7ème ordonnance allemande du 24 mars 1942 donne une nouvelle définition du Juif :
« Est considérée comme juive toute personne qui a au moins trois grands-parents de pure race juive. Est considéré ipso jure comme de pure race juive un grand-parent ayant appartenu à la religion juive. Est considérée également comme juive toute personne issue de deux grand-parents de pure race juive qui :
a- Le 25 juin 1940 appartenait à la religion juive ou qui y appartiendrait ultérieurement ;
b- Ou qui était mariée à un conjoint juif ou qui aurait épousé après cette date un conjoint juif.
En cas de doute, est considéré comme juive toute personne qui appartient ou a appartenu à la communauté religieuse juive. »

Quel fut le bilan de la déportation des Juifs de France ?

Serge Klarsfeld, auteur du Mémorial de la déportation des Juifs de France
a édité les listes des déportés juifs. Les personnes qui allaient être déportées étaient ainsi inscrites sur des listes dressées par le service des Affaires juives de la Gestapo. Toutefois, des personnes ayant été déportées n’apparaissent pas sur les listes car rajoutées au dernier moment par les autorités nazies. Ainsi, d’après S. Klarsfeld, on estime à 76 000 le nombre de juifs déportés de France entre le 27 mars 1942 et le 18 août 1944. Ils furent, pour l’écrasante majorité (près de 74 000), déportés dans les 79 convois de déportés juifs partis principalement de Drancy mais aussi de camps du Loiret, de Compiègne ou encore d’Angers.

A ces hommes et femmes, il faut ajouter les Juifs déportés du Nord et du Pas-de-Calais via la Belgique (environ 1000 personnes), les Juives épouses de prisonniers de guerre déportées à Bergen-Belsen avec leurs enfants (277 personnes), les Juifs déportés de Noé, Saint-Sulpice et Toulouse vers Buchenwald le 30 juillet 1944 (minimum de 350 personnes), les Juifs déportés de Clermont-Ferrand le 18 août 1944 vers Auschwitz (68 personnes au minimum), les Juifs déportés vers Auschwitz dans les convois « d’aryens » le 8 juillet 1942 et le 30 avril 1944 (100 personnes au minimum), les Juifs déportés individuellement (pas moins de 100 personnes) et les Juifs déportés dans les convois de résistants. Parmi les déportés, plus de 11 000 enfants, dont environ 2 000 avaient moins de 6 ans. Le nombre de survivants en 1945, dont la plupart avait été déportés en 1944, est estimé à environ 2500, soit 3 %.

Par nationalité, les Juifs d’origine polonaise furent les plus touchés puisque environ 25 000 furent déportés. Viennent ensuite les Allemands (environ 7 000), les Russes (environ 4 000), les Roumains et Autrichiens (3 000 environ pour chaque nationalité), les Grecs (environ 1 500), les Turcs (environ 1 300), les Hongrois (environ 1 200). Les Juifs français furent environ 24 700 dont au moins 8 000 étaient les enfants nés en France de parents étrangers ou apatrides et dont 8 000 environ étaient naturalisés.

Selon les chiffres les plus récents les déportés politiques furent au nombre de 87 800, déportés principalement vers les camps de Buchenwald, Dachau, Mauthausen, Sachsenhausen pour les hommes et Ravensbrück pour les femmes. En 1945, près de 60 % d’entre eux étaient morts dans les camps nazis.

Quels furent les principaux camps d’internement français par lesquels transitèrent les Juifs avant leur déportation ?

Les premiers camps d’internements français ouvrirent en mars 1939 afin d’héberger les réfugiés républicains espagnols dans le sud-ouest de la France à Rivesaltes, Récébedou, Noé, Argelès, Gurs par exemple.
Quand la guerre éclata en septembre 1939, beaucoup d’ Espagnols étaient retournés dans leur pays. Dès la déclaration de guerre leur place dans les camps fut rapidement occupée par des étrangers arrêtés par la police au
cours d’une action d’envergure nationale pendant les premiers jours de l’état d’urgence. Ces 15 000 étrangers alors enfermés dans les camps français comprenaient des centaines d’éminents réfugiés antinazis. En mai 1940, quand les Allemands entrèrent en France, beaucoup de réfugiés étrangers, hommes et femmes susceptibles d’être ennemis ou d’espionner, furent à nouveau victimes d’ « internements administratifs » dans ces camps du sud-ouest, de la part des autorités françaises. Parmi ces personnes, un grand nombre de Juifs étrangers, notamment allemands et autrichiens. Les Juifs étaient pris dans les filets comme les autres étrangers et leur judéité semble alors avoir accru leur vulnérabilité. Ordinairement apatrides, souvent sans argent, parlant avec un fort accent, les Juifs étrangers représentaient environ 70% des 40 000 civils demeurés internés en France non occupée vers la fin de 1940. De fait, le dispositif des camps était en place et les fonctionnaires s’étaient habitués à rassembler de vastes groupes d’étrangers parmi lesquels les Juifs étaient l’élément dominant. Le changement de régime en juillet 1940 ne marqua donc pas une rupture radicale car la politique de Vichy à l’égard des réfugiés n’offrit pas de différences marquantes avec celle de la fin de la Troisième République, elle en fut la continuation et le renforcement, à la différence notable que le régime rendit plus légitime une expression des sentiments antijuifs en supprimant la loi et la coutume républicaines,

Après la défaite et sous l’occupation, de nouveaux camps d’internement ouvrirent en zone occupée à partir du moment où les Juifs furent pris pour cible à la fois par les autorités d’occupation mais aussi par les autorités françaises. C’est ainsi qu’ouvrirent les camps du Loiret, de Compiègne et de Drancy qui furent les principaux camps d’internement et de transit des Juifs déportés de France.

Le camp de Drancy

Le camp de Drancy fut le principal camps d’internement français par lesquels transitèrent les Juifs avant leur déportation. La cité de la Muette de Drancy, construite en forme de U en 1935-36 afin de servir de logements à loyers modérés pour l’office d’HLM de la Seine, accueillit dès août 1941 les premiers internés juifs raflés à Paris. C’est de là que partirent vers les camps de la mort 62 des 77 convois partis de France à partir des gares du Bourget (jusqu’au mois de juillet 1943) et de Bobigny transportant près de 65 000 personnes. En 1942, 32 convois sur 43 sont partis de Drancy. Le seul convoi sur les 17 de l’année 1943 et les 14 de l’année 1944 qui ne partit pas de Drancy fut celui du 11 août 1944 qui partit de Lyon. Sur ces 62 convois, seuls 6 n’allèrent pas vers Auschwitz-
Birkenau. Les convois 50 et 51 furent dirigés vers Maïdanek et Sobibor, les 52 et 53 vers Sobibor, le 73 vers Kaunas en Lettonie, le dernier, qui rapatriait en Allemagne Aloïs Brunner, partit pour Buchenwald avec 51
déportés à bord. Drancy fut géré par les autorités françaises jusqu’au mois de juillet 1943. Les trois officiers français qui se succédèrent à la direction du camp étaient sous la direction de la préfecture de police de la Seine. L’administration française du camp fut toutefois en permanence sous le contrôle de la Sicherheitpolizei (la police de sécurité) et du Sicherheitdienst (service de sécurité). A partir du 2 juillet 1943 et l’arrivée à la tête du camp du nazi Aloïs Brunner, le camp passa sous administration allemande et les gendarmes français furent cantonnés à
un rôle de garde à l’extérieur du camp. Celui-ci fonctionna alors sur le modèle des camps de concentration allemands.

Les camps de Pithiviers et de Beaune-La-Rolande

Ces camps furent administrés par les autorités françaises comme une même entité et relevèrent de l’autorité du préfet du département du Loiret. Situés à 23 kilomètres l’un de l’autre ils étaient destinés à interner des Juifs. Les deux camps étaient surveillés chacun par une centaine de gendarmes et de douaniers. Le camp de Pithiviers était situé à 500 m de la ville. Composé de 19 baraques dont deux pour l’infirmerie, il avait d’abord servi de « Fronstalag » pour les prisonniers de guerre français alors qu’il était initialement prévu pour les prisonniers de guerre allemands. Le camp de Beaune-la-Rolande, situé sur un plateau à l’est du bourg, comprenait 18 baraques dont 14 pour les internés. Clôturé par une double rangée de barbelés, il s’étendait sur trois hectares.
Les premiers internés juifs, dirigés de la gare d’Austerlitz vers les camps du Loiret, arrivent à la suite des premières arrestations parisiennes du 14 mai 1941. 1 693 Juifs sont internés à Pithiviers, environ 2 000 à Beaune-
La-Rolande. Après les rafles parisiennes de juillet 1942, les familles avec enfants sont transférées en train dans les camps du Loiret, les camps sont alors surpeuplés et des épidémies se déclarent.

Entre le 31 juillet et le 7 août 1942, quatre convois composés d’adolescents et d’adultes quittent les camps du Loiret pour Auschwitz. A chaque départ, les gendarmes séparent les femmes et les enfants à coups de crosse. Les 1 800 enfants de Pithiviers et les 1 500 de Beaune-La-Rolande furent maintenus dans les camps du Loiret, arrachés à leurs parents, livrés à eux-mêmes. Il furent ensuite déportés dans 7 convois partis de Drancy entre le 19 août et le 2 septembre 1942. Ainsi, les enfants des camps du Loiret sont transférés à Drancy par 4 convois entre le 19 août et le 25 août 1942. Le jour même du premier convoi qui transfert les enfants du Loiret à Drancy , une partie de ces enfants est déportée de Drancy à Auschwitz par le convoi n° 21. Ainsi, jusqu’au convoi n° 27 en date du 2 septembre 1942, les enfants orphelins des camps du Loiret sont déportés et assassinés immédiatement à Auschwitz. 6 convois partirent de Pithiviers : les convois n° 4 du 25 juin 1942, n°6 du 17 juillet, n°13 du 31 juillet, n°14 du 3 août, n°16 du 7 août et enfin le convoi n°35 du 21 septembre 1942.
2 convois partirent de Beaune-la-Rolande : le convoi n° 5 du 28 juin 1942 et le convoi n° 15 du 5 août 1942.

Le camp de Compiègne

Situé dans un faubourg de Compiègne, qui à l’époque s’appelait Royallieu, le camp formait un quadrilatère de 400 mètres de côté. Mis en place par les Allemands qui ont utilisé les casernes existantes, le camp servit en premier lieu pour les prisonniers français et britanniques avant de devenir à partir du 22 juin 1941 un camp d’internement. Le camp était cloisonné en quatre sous-camps, accueillant chacun différentes catégories de détenus. La partie la plus importante et la plus stable était celle réservée aux détenus politiques, elle occupait une douzaine de bâtiments. À côté de ces « politiques » il y avait les détenus étrangers, américains et russes qui étaient internés dans des bâtiments spéciaux. Les Juifs étaient à l’écart, ils subissaient les conditions d’internement les plus dures. Le secteur juif était séparé du reste du camp par une double palissade qui les privait de tout contact avec les autres détenus. Le camp de Compiègne fut le seul camp de transit en France à n’avoir jamais dépendu que de l’administration allemande.

Ce camp est d’abord connu pour avoir été le premier centre de déportation des prisonniers politiques français. Les Juifs représentèrent environ 12% de la population des internés. Ils furent internés à Compiègne surtout au début de l’Occupation ; par la suite, ils étaient plus systématiquement envoyés dans le camp de Drancy. Le sous-camp juif du camp de Compiègne fut inauguré dans la nuit du 12 au 13 décembre 1941 par le transfert des 743 Juifs arrêtés le même jour, rejoints dans leur train par 300 étrangers extraits de Drancy. Un va etvient d’internés s’établit alors entre Drancy et Compiègne et les transferts d’un camp à l’autre furent nombreux. 49 860 déportés sont partis de Compiègne dans 54 convois dont 52 vers les camps de concentration, déportant en moyenne un millier de personnes à chaque fois entre mars 1942 et août 1944. Ces convois furent de plus en plus nombreux au fil des années : 5 en 1942, 22 en 1943, 27 en 1944. Les destinations de ces convois furent les camps de concentration de Buchenwald (16 convois), Mauthausen (8 convois), Ravensbrück (5 convois), etc. C’est également de là que partirent les deux premiers convois de déportation de Juifs à destination d’Auschwitz, le 27 mars et le 5 juin 1942.

Qu’est ce que l’antisémitisme ?

Le terme « antisémitisme » définit exclusivement l’hostilité aux Juifs. Ce terme, né dans les années 1860 en Allemagne, fut employé et propagé par le publiciste allemand Wilhelm Marr, auteur d’un pamphlet anti-juif intitulé « La victoire du judaïsme sur la germanité considérée du point de vue non confessionnel » publié en 1879. Marr, avec de nombreux contemporains comme Ernest Renan en France, considérait alors que les Juifs appartenaient à une « race sémite », or l’adjectif sémite s’applique à une famille linguistique (l’hébreu, l’arabe, l’araméen, le babylonien, l’assyrien, l’éthiopien) et non à des peuples. Marr limita l’acception « antisémite » aux seuls Juifs. Ainsi, depuis son invention, ce terme a uniquement signifié la haine des Juifs. Il est aujourd’hui entré dans l’usage commun comme qualifiant exclusivement l’hostilité à l’endroit des Juifs. Au moment ou Marr propage le terme « antisémitisme », l’antisémitisme moderne, à savoir la haine du juif en tant que « race » prend son essor. Il est contemporain de la naissance et de l’affirmation des Etats-nations, parfois envisagés comme « racialement homogènes », les Juifs apparaissant alors comme un « corps étranger » à la nation mettant en danger l’unité de celle-ci et dont il convient de se séparer. C’est notamment le discours du mouvement « völkisch » dans l’Allemagne de la fin du XIXème siècle. Le fait que le terme antisémitisme soit le fruit d’une pensée racialiste et soit néanmoins passé dans le langage courant révèle l’ambiguïté du terme qui accrédite en effet le mythe même qu’il entend combattre en donnant du poids au fantasme d’une coupure entre Aryens et Sémites.

D’où viennent les préjugés et légendes qui fondent l’antisémitisme ?

Les fondements des discours antisémites modernes plongent d’abord leurs racines dans les écrits des Pères de l’Eglise que furent Saint-Jean Chrysostome ou Saint Augustin par exemple. Toutefois, c’est au MoyenÂge, que se répand une vision chrétienne diabolisante du juif. Le tournant dans l’histoire de l’anti-judaïsme chrétien est contemporain des Croisades aux XIIème et XIIIème siècles. S’installe en effet, en Europe occidentale, une politique de mise au ban des juifs alors que se diffusent des mythes qui accréditent leur nature satanique.
Ceux-ci se livreraient notamment au meurtre d’enfants chrétiens dans le cadre de rites savamment programmés, tantôt pour rejouer la crucifixion de Jésus (meurtre rituel), tantôt pour boire leur sang ou voler leurs
organes.

Pour l’historien français Jean Delumeau (in « La Peur en Occident », 1978, chapitre 8, « le juif mal absolu »), le mythe du juif cannibale constitue, avec les sorcières, le diable ou la peste, l’une des grandes peurs de l’Occident chrétien au Moyen-Age et à La Renaissance. Ce fantasme trouve son origine dans l’activité très tôt réservée aux Juifs par les Princes et l’Eglise : le commerce de l’argent. C’est en effet là que naquit l’idée selon laquelle les Juifs, parce qu’ils faisaient des prêts à intérêts (le prêt à intérêt était interdit par l’Eglise aux Chrétiens et donc dévolu aux Juifs), suçaient par là même occasion le sang économique (l’argent) des Chrétiens. Etant de plus accusés de se nourrir du sang des enfants chrétiens qu’ils assassineraient, de suceurs d’argent, les Juifs devinrent suceurs de sang.

Dès lors se développent des accusations contre les Juifs. Celle de meurtre rituel est attestée pour la première fois en 1144 à Norwich en Angleterre quand des Juifs sont accusés d’avoir rejoué, avec un enfant, la passion du Christ, liant donc meurtre rituel et déicide. Ce crime aurait été prémédité par une assemblée de rabbins, donnant ainsi naissance à l’idée de complot qui se diffusa rapidement dans toute l’Europe. Elle fut reprise et popularisée au XIXème siècle par le faux créé par la police politique du Tsar Alexandre III,  » Les Protocoles des Sages de Sion », lesquels s’inscrivaient dans une longue tradition de faux complotistes et antisémites du XIXème siècle, dont ils ne faisaient que reprendre les thèmes. La description précise d’un complot mondial apparaît ainsi dans l’ouvrage de l’abbé Barruel, les « Mémoires pour servir à l’histoire du jacobinisme », paru en 1797. L’accusation centrale est portée contre des francs-maçons, à qui un rôle prépondérant est réservé dans le déclenchement des événements révolutionnaires, mais il n’y est pas fait mention des Juifs. C’est en Allemagne, que le thème du « complot juif » émergea réellement avec le roman, « Biarritz » de Hermann Goedsche, publié en 1868. Il y décrit une assemblée nocturne tenue dans le cimetière juif de Prague, au cours de laquelle les chefs des douze tribus d’Israël, sous la présidence du diable, auraient annoncé que les Juifs allaient dominer la Terre. En France, un faux largement inspiré par ce roman fut publié en juillet 1881 par Le Contemporain sous le titre « Discours du grand Rabbin ». L’ouvrage rencontra un certain succès et toutun panel de livres paraît à cette époque, développant la même idée. A
partir du XIIème siècle, naît une légende noire selon laquelle les juifs volent, mutilent ou brûlent l’hostie afin de tuer Jésus une fois de plus. Cette légende s’amplifia après le concile du Latran de 1215 qui consacra l’eucharistie.

L’accusation de cannibalisme, ou « libelle du sang », apparut, quant à elle, pour la première fois à Fulda en Allemagne en 1235 : les 5 enfants d’un meunier chrétien ayant été retrouvés morts, deux juifs furent accusés et trente familles juives égorgées. Il s’agissait là de déshumaniser les juifs en les accusant du plus inhumain des crimes. Ces
accusations faisaient suite à de terribles massacres notamment à l’occasion des croisades dans ce qui est aujourd’hui l’Allemagne (à Speyer, Cologne, Trèves et Worms en 1096 lors de la première croisade par exemple quand les Juifs furent assassinés par milliers ; ou encore 1248 lors de la septième croisade où le massacre des Juifs de Worms marqua les esprits du temps.).

Au XIXème siècle, dans le cadre des luttes nationalitaires et de la formation des Etats-nations cette vision diabolisante se sécularise et débouche sur ce qui peut apparaître comme une paranoïa collective avec la distinction alors très présente que l’on pourrait résumer par « Eux et nous » débouchant systématiquement sur l’idée de séparation, de disparition, voire de mort. Cette évolution est notamment liée à la biologisation de la Nation, comprise comme un corps homogène que viendraient corrompre et souiller les Juifs. Cette conception débouche sur le discours génocidaire : « il faut extirper les juifs de la Nation » lesquels sont souvent accusés de comploter contre les intérêts du pays, contre le pays lui-même.

En quoi l’antisémitisme peut-il être considéré comme une forme particulière de racisme?

Le racisme qualifie la haine de tous ceux dont on considère qu’ils appartiennent à un groupe défini comme racialement différent.

L’antisémitisme, qui qualifie la haine des Juifs, est presque toujours couplé à l’idée de conspiration, de complot, de sang souillé et donne naissance à une pensée et à un discours diabolisant, voire de mort. De plus, une fascination certaine pour l’objet de peur agite les antisémites qui, au contraire des racistes qui méprisent et haïssent, ne méprisent pas tout en haïssant.

Le philosophe Emmanuel Lévinas comprenait ainsi la différence entre racisme et antisémitisme : « L’antisémitisme n’est ni la simple hostilité qu’éprouve une majorité à l’égard d’une minorité, ni seulement une xénophobie, ni un quelconque racisme, fût-il la raison ultime de ces phénomènes de lui dérivés. Car il est la répugnance à l’inconnu du
psychisme d’autrui, au mystère de son intériorité ou, par-delà toute agglomération en ensemble et toute organisation en organisme, à la pure proximité de l’autre homme, c’est à dire la socialité elle-même »

( « L’Au delà du verset. Lectures et discours talmudiques » 1982.)

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